la Compagnie

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Wednesday, December 26, 2012

De la schizophrénie?

Rome ne s'est pas faite en un jour, évidemment.
Naturellement, un spectacle non plus.
Il n'est pas inhabituel donc, pour un comédien ou un metteur en scène, de jongler en permanence entre plusieurs projets, forçant à une sorte de schizophrénie bien agencée. Par exemple, lorsque nous tournions Les Anges distraits, je répétais en même temps Phèdre & Hippolyte, je traduisais Shake-speare tout en répétant Iphigénie en Tauride au Canada, je potassais les Confessions de Saint Augustin étant plongé dans les écrits d'Elizabeth première.
Une sorte d'oxymore (encore: je dois le faire exprès!), auquel je suis habitué, évidemment, obligeant à naviguer du profane au sacré, entre les langues, et les formes aussi — du cinéma au théâtre, en passant par la musique —, entre la prose et les vers et ainsi de suite.
Mais là où cela devient véritablement amusant, et un peu perplexant, c'est quand, comme maintenant, les projets à venir sont destinés à s'inscrire véritablement dans un calendrier lié à des évènements, comme la dernière partie du cycle des Lectures saintes: le récit de la Passion selon Saint Matthieu, que je donnerai en mars prochain.
Le travail que j'effectue sur chacune de ces lectures est naturellement conséquent (sans vouloir me flatter), et je commence à m'y préparer longtemps à l'avance, pour avoir le plus tôt possible les mots en bouche, et les raffiner, comprendre mieux leurs liaisons, la structure du texte, pour mieux les rendre ensuite — et celui sur la Passion le sera plus encore, car la présentation sera, telle que je me l'imagine et la conçois, entre oratorio, leçon de ténèbres et chemin de croix, mêlant un travail sur la lumière, sur le texte et avec de l'orgue pour parachever le tout.
Or quoi de plus contrastant avec les fêtes de Noël, qui viennent de passer, que le récit de la mort de Celui qui vient de naître?
Car, à peine la bombance du 25 décembre englouttie, les yeux alentours encore baignés de liesse émerveillée, je me plongeais dans mon office de la Semaine Sainte de 1654, lisant avec ferveur les leçons de ténèbres, lançait les différentes passions dont dispose ma discothèque (et surtout la Saint Matthieu de Bach, of coures, qui sera intégrée dans la présentation), relisait le récit de la Passion dans les quatre Evangiles, baignant en somme dans la fin d'une histoire que l'on venait à peine de commencer — dans les larmes, la douleur, le sang et l'obscurité, quand tout n'était que lumière et joie autour de moi!
Une sensation en somme étrange et paradoxale, mais bon, quand on travaille dans le baroque, on s'y fait!
Charles.

Sunday, December 9, 2012

De Musica.





Tandis que je travaille sur l'Evangile de Saint Luc, et sur la préface à sa traduction par Lemaître de Sacy (naturellement pour la deuxième du cycle des Lectures saintes, qui sera donnée la semaine prochaine déjà), je couvre mes papiers de signes cabalistiques, rendant parfois les mots à peine déchiffrables sous mes coups de crayon, je note la lenteur d'une phrase, l'élan d'une autre, le silence avant une troisième, je teinte mes mots de chaleur, ou au contraire, afin de leur donner plus de poids évocateur, je détermine les hauteurs vocales de l'ensemble — je construis finalement (en toute humilité of course) une partition à partir d'un texte, une partition baroque, comme pouvait le faire Lully lorsqu'il composait ses opéras, si l'on en croit la légende, allant voir la Champmeslé, lui donnant le livret tout frais, lui demandant de le déclamer, et repartant plusieurs heures après, avec son opéra fini, ayant noté musicalement ce qu'il avait entendu dans l'exercie. 
En même temps, je peaufine aussi la traduction des textes qui composent notre spectacle en devenir sur Elizabeth première d'Angleterre (bien que nous en ayions repoussé la création d'une saison, pour prendre plus notre temps pour le pomponner, il nous faut tout de même le travailler déjà, ne serait-ce que pour préparer la première présentation de ses textes, au cours d'une lecture publique qui sera donnée au Lucernaire en février), revoyant non seulement la clarté de mes transpositions des textes en français, m'assurant qu'ils seront compréhensibles, mais aussi le rythme que je leur ai donné, chargeant les textes de précisions sur la valeur brève ou longue de certaines voyelles, des liaisons à effectuer ou non, des e à prononcer ou à élider — afin qu'ils se rapprochent le plus de leur rythme original en anglais. 
Et je me rappelle tout à coup le travail sur Phèdre & Hippolyte, lancé d'abord par des lectures à la table, pendant au moins trois mois avant d'attaquer le travail sur le plateau, où je reprenais les acteurs sur la moindre voyelle, où, partant de la déclamation baroque, l'on déterminait déjà la rapidité qui devrait être donnée à un vers, où à l'inverse, le calme plat à un autre, où chaque césure était débattue pendant des heures, en fonction du texte, de son effet, de la ponctuation (naturellement, nous travaillions sur l'édition originale de 1677, avec la ponctuation de Racine, et non celle frelatée par les dix-huitième siècle et suivants)…


Il n'y a pas très longtemps, j'évoquais au cours d'une rencontre très enrichissante avec une journaliste, comment je la travaillais la déclamation baroque, et surtout que c'était pour moi: parvenir, à partir d'un texte, à un rythme, une accentuation, à des sons, finalement, qui viendront toucher l'auditeur, sans qu'il ait forcément besoin de faire l'effort intellectuel de comprendre le sens de tous les mots qui viennent frapper son oreille — à condition évidemment que ce travail du déclamateur ne soit fait qu'en partant du texte, et que cette Parole soit la seule chose qui motive quoi que ce soit, et qui existe au moment de la déclamation.
Après un court suspens, né de la surprise de la conclusion logique à cette déclaration, elle me répond: Ce que vous décrivez, ce que vous faites, et ce à quoi vous tendez, c'est la Musique, finalement!

Le pire, c'est que je n'y avais jamais pensé!



Charles.

Monday, December 3, 2012

De Augustino secunda vox populi.

Après l'assistance présente à Sainte-Clotilde en octobre, quelques uns de nos auditeurs du 23 novembre à Saint-Roch nous parlent de la première du cycle des Lectures Saintes, celle des Confessions de Saint Augustin.

Des pans de nuages s'enroulant autour des rayons dissymétriques de la lumière divine, une voûte éclairée par un envol d'anges, une Nativité sculptée aux personnages contournés et chargés d'émotion… On est dans l'esthétique baroque, dans le chœur de l'église Saint-Roch. Mais un éclairage minimal à la bougie, un lecteur sobre et grave, vêtu de noir… 
On est dans l'univers austère de Port-Royal-des-Champs, à l'époque de Mazarin.
Monté silencieusement dans la chaire, Charles Di Meglio commence la lecture des Confessions de Saint Augustin dans le style de la déclamation baroque, plus connu pour le répertoire musical. Sans un sourire. Les phrases sont gestualisées selon une chorégraphie précise et rigoureuse, toujours dissymétrique. Dieu: un doigt pointé vers le ciel. L'âme: les deux mains, une dessus, une dessous, enferment un précieux trésor au niveau du cœur…
Chaque mot prend tout son poids visuel.
C'est la diction qui surprend le plus, lente et appuyée, avec ces lettres que le français moderne a oubliées, ces s et ces r à la fin des mots, ces anciens oué pour notre wa: la foué, le roué… Malgré la beauté du phrasé, les premières phrases sont difficiles à suivre. En quelques minutes il faut réapprendre une langue perdue.
Mais l'étrangeté de cette langue redonne une force inattendue aux mots. A syllabes lentement roulées dans la bouche, la mystique prend une saveur puissante et charnelle. 
Je pensais faire une lecture, dit le comédien, mais le texte m'a complètement absorbé, il est entré sans effort, je n'ai pas besoin de mes papiers. Et la récitation solitaire dure une heure et quart! Charles semble totalement habité par son texte. Et c'est ce qui frappe le plus, cette résonnance mystique d'un siècle à l'autre…
Car le Saint Augustin du quatrième siècle, dans une émotion très-moderne, raconte une jeunesse dissipée, un vague mal-être, une grave maladie, le doute qui s'insinue, la fidélité de sa mère, le questionnement spirituel…
Enfin, je rentrai en moi-même, dit-il… C'est peut-être la phrase centrale. Peu à peu, il s'ouvre à une expérience mystique, il vit une conversion. Et dans sa recherche, il va se passionner pour les textes de Saint Paul, ce flamboyant converti du premier siècle, qui a connu le bouleversement du Chemin de Damas et trois jours d'aveuglement, avant de peu à peu comprendre d'autres textes plus anciens, guidé par le vieil Ananie. Et voilà qu'à dix-septième siècle, Arnaud d'Andilly ressuscite ces confessions dans une langue extrêmement forte, comme saisi à son tour. A-t-il vécu une expérience de conversion, je ne sais pas. Mais certainement ce port-royaliste a vu dans les Confessions le cheminement d'une âme solitaire, la revendication d'une liberté intérieure face à une Eglise alors toute puissante et souvent intrusive dans les consciences…
Malgré la querelle des jésuites et des port-royalistes au dix-septième siècle, querelle très-anecdotique au regard de ces expériences mystiques individuelles, je ne peux m'empêcher d'évoquer la conversion d'Ignace de Loyola, au seizième siècle. La jeunesse gourmande et insatisfaite, l'accident, la grande douleur du corps, l'entrée en interiorité, le cheminement, l'apprentissage du discernement, la conversion, aussi brutale que discrète et progressive…
Car ce texte, cette entrée en interiorité, poursuit son chemin au fil des siècles, comme un écho de  conscience en conscience. Quelle aventure personnelle Charles y déchiffre-t-il? Ce dont je suis sûre, c'est qu'il ne se contente pas d'un jeu d'acteur, et c'est ce qui rend cette lecture saisissante et bouleversante.




Christine de Pas.

Wednesday, November 21, 2012

De la lettre et de l'esprit.

Tandis que je prépare ma lecture de la Nativité selon Saint Luc, qui sera précédée par des extraits de la préface de son traducteur Louis-Isaac Lemaître de Sacy, et que je fais des aller-retours entre ma Bible de Mons et la petite bibliothèque de Port-Royal de la Compagnie, pour retrouver les citations dont Sacy augmente pleinement son texte, et les replacer dans leur contexte, que je confronte le texte aux peintures de Philippe de Champagne qui en sont tirées, que je les repasse elles-mêmes au crible des Hiéroglyphes de Valérian, que, je m'agite, en somme, dans un tas de directions qui ne seront pas visibles lors de la présentation mais qui nourriront forcément ma lecture, me revient en mémoire une question que m'avait posée un élève du lycée Guez de Balzac à Angoulême, dont nous avions rencontré la classe au lendemain d'une représentation de Phèdre et Hippolyte de Racine que nous donnions alors dans sa ville, il y a quelques années.
La question, tandis que j'évoquais le travail préparatoire que j'avais fait sur le texte, avec les acteurs, que je repassais ces détails invisibles, les codes baroques, les recherches, qui avaient construit la mise en scène et le spectacle, avait été posée avec une assurance certaine, un ton tranchant qui m'avaient fort surpris et que je me rappelle encore: Mais, avec tout ce que vous nous dites, votre spectacle n'est-il pas élitiste, puisqu'il est rempli de ces choses que tout le monde ne peut pas percevoir, ce qui, sans les connaître, empêche donc de comprendre vraiment le spectacle?
Je lui répondis ce que je pense toujours être propre à répondre à cette question, et aussi aux craintes que l'on peut avoir, de ne pas comprendre le français du dix-septième, lorsqu'il est dit en déclamation baroque, comme dans le cycle des Lectures saintes.
Bien sûr, de savoir que la citation de Saint Augustin que fait Sacy dans sa préface, On ne pêche qu’en deux manières: ou en souhaittant ce qu’il a méprisé, ou en fuyant ce qu’il a bien voulu souffrir est extraite De vera Religione, que le chiffre deux se représente par l'index et le majeur tendus (autant qu'un doigt baroque le peut être, naturally), les autres repliés dans la paume tandis que le pouce reste levé, que le geste que j'utilise pour l'expression (dans les Confessions de Saint Augustin) élève à soi est tiré de la Résurrection du Lazare par Champagne, boh, ça aide. Ça aide à voir simplement le travail qui a été effectué en amont, mais c'est tout.
C'est une cerise sur un gâteau déjà bien bon, une armée d'angelots autour de Gabriel dans une Annonciation, une auréole autour de la tête du Christ en croix.
C'est bien agréable, mais ce n'est pas essentiel, ni surtout l'essentiel.
Car, à force de chercher le sens à tout prix, on finit par le perdre.

Deux des plus grands chocs théâtraux que j'ai eus (le troisième était lors d'une représentation de Comme un chant de David, un spectacle sur les Psaumes mis en scène par Claude Régy), étaient dans une langue que je ne comprenais pas: j'avais huit ans lorsque j'ai vu pour la première fois une représentation d'Opéra chinois (même si plus vague, je préfère ce terme à celui d'opéra de Pékin, puisque Pékin est l'endroit où on le pratique sans doute le moins bien aujourd'hui, le pays ayant dû réinventer, sans penser à son fond, cette forme qu'ils avaient perdue avec la Révolution (pas vraiment) culturelle, contrairement à Taïwan qui ne l'a jamais abandonnée); j'ignorais tout du théâtre en général, et ce fut un bouleversement — c'était sans pouvoir alors rien déchiffrer des codes, du texte, des symboles glissés dans les costumes, bien avant que de pouvoir crier des Hao! d'approbation avec le reste du public, comme j'ai pu le faire depuis, ayant creusé la chose, pourtant tout me semblait clair.
De même lorsque je vis, bien plus tard, du Kabuki japonais pour la première fois — une forme théâtrale que l'on peut énormément rapprocher du théâtre baroque. En sortant, j'étais hébété, confondu, muet pendant plusieurs heures, le spectacle se distillant encore en moi, et lorsque je repense à cette représentation, j'en frémis toujours, d'émotion, de trouble. Et pourtant, j'ignorais également tout du Kabuki, et n'avais strictement aucun moyen d'appréhender quoi que ce soit du sens du texte qui se disait sur scène. Ayant lu ensuite un résumé de la pièce, je me suis rendu compte que j'avais au demeurant tout compris.

Il en va, pour moi, de même du théâtre baroque. S'intéresser uniquement au sens, aux détails, à la compréhension des codes, et de tout ce qui façonne un spectacle, en général, c'est se limiter.
Moins se permettre d'être touché, ému, en arrivant obsédé par le sens premier, et en s'y limitant, en s'y bornant et en s'y arrêtant, quand je sais que le théâtre baroque peut produire cet effet, tout aussi étrangers que puissent en sembler la langue, les règles. Et c'est ce qui fait dire parfois: C'est insupportable le théâtre baroque, on ne comprend rien!, quand justement, ceux qui n'essaient pas de faire l'effort de comprendre et se laissent porter simplement par la forme qui, plus que tout autre forme artistique à mon sens, révèle puissament le fond, comprennent tout sans que cela leur semble pénible, ni même difficile.
Bien sûr, ma diatribe aurait plus d'effet si j'avançais des preuves pour la justifier. Mais si je repassais ce que ma propre expérience de spectateur m'a fait ressentir, lorsque je suis allé entendre des lectures d'Eugène Green par exemple, je ne parviendrais qu'à raisonner et donc rendre raisonable ce qui n'a pas lieu de l'être, et si je citais ces occasions de retours très-sensibles que l'on m'a faits tandis que je sortais de scène, ce serait peut-etre sembler trop flagorneur et vaniteux, et peut-être perdrai-je l'émotion que j'ai toujours lorsque je me les repasse en mémoire, en les partageant trop.
Charles.

Friday, November 16, 2012

De l'oxymore et de la déclamation baroques.


Nos Lectures saintes sont présentées par un petit texte qui tente de définir la déclamation baroque, et que nous donnons ici.

Le mot baroque vient du portugais barocco, désignant une perle rare par sa forme irrégulière — un objet de valeur, donc, rendu plus valeureux encore par son irrégularité singulière. Ce qui est très révélateur de toute la pensée baroque, qui repose avant tout dans l’opposition et l’équilibre de deux contraires. C’est un oxymore permanent: c’est rendre visible ce qui est caché.

C’est un oxymore que l’on peut d’ailleurs facilement reconnaître dans la peinture de l’époque, où tout est construit de façon dissymétrique, jusque dans la position même des corps: car la symétrie, c’estla rencontre de deux forces égales et équilibrées, c’est donc la mort. Il n’y a qu’à voir: la seule figuration d’un corps symétrique dans l’art de l’époque, c’est celle des cadavres, mais aussi celle du corps du Christ mort!
Si l’on peut voir dans la peinture cet oxymore, c’est bien dans la Parole baroque qu’il se révèle pleinement. C'est une parole régie par la rhétorique, héritée des Grecs et des Romains, et c’est elle qui structure le discours. Rappelons que la rhétorique, telle qu’elle a été codifiée par les sophistes, se divise en cinq étapes indissociables: inventio, dispositio, elocutio, memoria et enfin, pronuntiatio (notons donc que la Parole orale en est une des étapes essentielles).
Et qu’est-ce que la rhétorique, sinon partir d’un raisonnement et d’une construction purement intellectuels, à travers ses cinq étapes obligatoires, pour obtenir un discours, une Parole, qui viendra toucher le cœur, et émouvoir l’auditeur pourle porter avec la parole — car l’émotion n’est jamais oubliée, quoi qu’on pense de l’époque, et c'est elle qui dicte la construction artistique.
La Parole créé les choses et les rend visibles, de même que le Monde est issu du Dieu-Verbe.
Ainsi, cette Parole baroque est sacralisée. De telle sorte qu’elle ne peut donc pas être naturelle au sens où nous l’entendons aujourd’hui: elle est volontairement artificielle et codifiée, parce que soumise à des règles intellectuelles, pour parvenir à une émotion —comme c'est encore le cas du Kabuki au Japon.
Et c’est de ce paradoxe (à savoir ce mouvement de la rhétorique à l’émotion), que naît la déclamation baroque: la Parole est rendue visible en traversant le corps de celui qui la porte et qui la traduit en la déclamant; ainsi ce déclamateur se doit donc d’adopter une position frontale, afin de ne pas détourner cette Parole de l’auditeur.
Deux personnages échangeant dans une tragédie de Racine sur la scène de l’Hôtel de Bourgogne, par exemple, étaient donc tous deux face au public, se parlant, sans que leurs regards ne se croisent.
Aujourd’hui, nous crierions à un artifice grossier, à des acteurs qui ne vivent pas ce qu’ils disent; mais au contraire: c’était l’assistance qui vivait, à travers la Parole, les émotions qui naissaient de celle-ci.
Le déclamateur n’avait pas vocation à représenter mais à présenter.

Si l’on veut se figurer complètement la déclamation baroque, rappelons nous que la pronuntiatio (l’étape finale de la rhétorique), était aussi appelée par Quintilien actio.
Et ce terme d’actio illustre finalement l'un des éléments fondamentaux de la déclamation baroque à savoir, la gestuelle qui vient mettre en relief ces mots, et les amplifier. Le texte déclamé est donc entièrement gestualisé.

Notre travail, à la Compagnie Oghma, a toujours été porté sur cette Parole créatrice, d’où toute l’action théâtrale et émotive se doit de naître et découler, à travers l’acteur la traduisant par sa voix, par son corps. C’est donc en toute logique que nous nous laissons porter aujourd’hui par ces textes véritablement sacrés — et ce cycle de Lectures saintes est le parangon de notre démarche depuis nos débuts, nous confrontant justement au Verbe à proprement parler.
Zelda Bourquin, assistante des productions de la Compagnie.

Monday, November 5, 2012

La Compagnie vue par…

La Compagnie et la déclamation baroque vues par la Suède et ses Vikings,
un de nos poster-boys de la saison, August Håkansson,
et Freya Hall, notre vox populi suédoise.


Un soir dans nos laboratoires naturellement éclairés à la bougie,
après une répétition des Confessions de Saint Augustin.

Thursday, October 25, 2012

De Augustino vox populi.

La foule en délire alors présente nous parle avec émotion de la première des Lectures Saintes, celle des Confessions de Saint Augustin, à Sainte-Clotilde.



Ma première pensée a été: Oh min Gud, je vais regarder plus d’une heure de chants religieux bizarres?
Je ne suis pas croyante, je viens de Suède, je me débrouille plutôt pas mal en français, bien sûr, mais une traduction en français du dix-septième siècle? Come on! C’est avoir les yeux plus gros que le ventre, sans doute?
Mais je suis quand même allée, l’après-midi du dimanche 21 octobre, à la chapelle de Jésus-Enfant à Saint-Clotilde, et j’ai été surprise moi-même.
Pendant les 15 premières minutes d'adaptation à cette chose étrange, j'ai essayé, de me concentrer sur la compréhension des mots, mais après un certain temps cela me faisait presque mal aux oreilles, et j'ai décidé d'arrêter d'essayer de comprendre et de plutôt me laisser porter émotionnellement. Ce qui a beaucoup aidé:
Ce n'est pas toujours ce qui est dit qui est important, mais ce que cela donne à ressentir. Avec des gestes tirés des tableaux baroques, une voix qui fait vibrer les murs (et au moins a fait tomber une bougie du grand chandelier qui éclairait seul la chapelle), avec une passion comme s'il était possédé par Saint Agustin lui-même, avec une gravité et une profondeur dans chaque mouvement, une parole et un souffle formidables, Charles a livré une performance qui m'a même donné la chair de poule. Je me suis retrouvée, à un moment donné, à presqu’oublier où j'étais, comme si j'avais été transportée à l’époque baroque.
Donc, je conclurai en disant que la meilleure chose que j'ai fait a été de me laisser entraîner par la musique et la gestuelle de cette présentation en déclamation baroque, plutôt que d'essayer d’en comprendre le sens, ce qui a fait que j’en ai été touchée profondément.
Je ne crois toujours pas en Dieu, mais je tiens absolument à passer une heure à nouveau à écouter de la déclamation baroque (à condition que ce soit par Herr Di Meglio, bien sûr !).
Freya Hall, Viking téméraire.




C'est la première idée qui m'est venue à l'esprit en quittant le lieu du spectacle:
Pourvu que Charles ne me demande pas d'écrire mon ressenti sur son blog!
Cela me semblait impossible après ses lumineuses déclarations.
Impossible de décrire l'état — quasi mystique — où il nous a laissés...


Je ne pourrais même pas vous parler de l'intérieur de la chapelle, à peine vous dire qu'elle m'a semblé de style néo-gothique fin dix-neuvième.

Tout le reste m'a échappé. Le public aussi s'était effacé de ma mémoire.
J'écrirai pourtant quelques lignes. Pour Charles, parce qu'il m'est précieux.
Et que j'ai bien envie de lui faire ce plaisir.

Donc le voici qui apparaît.

Grincement de porte. Silhouette sombre.
Ses pas sont si furtifs. Les gestes de ses mains si délicats.
De lui, se dégagent à la fois une fragilité et une autorité certaine.
Il est là devant nous, Charles? Sans doute…
Mais je ne sais plus. Son regard est si sombre et profond, comme dévoré par quelque chose d'extérieur à sa personne…
Sa voix n'est plus celle que je connais. Je le sens habité par un mystère, une élévation, une spiritualité.
C'est une étrange sensation. Je n'ose presque pas le regarder tant son personnage m'impressionne.
Je suis intimidée, troublée par cet homme qui est là devant moi.
Sa voix transfigurée n'est plus la sienne.
C'est la voix de Saint Augustin, telle qu'on l'imagine, qui s'enfle et s'élève.
Tout à coup nous sommes transportés des siècles en arrière, à l'époque du père de l'Eglise.
Sa parole emplit la chapelle, lui redonnent pleinement sa fonction sacrée.
L'audience, suspendue à ses lèvres, est silencieuse, frappée au cœur par ce flot rugueux d'une parole baroque qui loue sublimement Dieu.
Mais voilà que le prêche s'achève, que la foule se disperse à regret.
Je m'en vais, moi aussi — sans aller vers lui comme je le fais d'habitude, trop émue, trop respectueuse pour risquer de briser le charme et le divin mystère qui plane encore sur la chapelle.

Agathe Le Bail, amie fidèle.

Monday, October 15, 2012

Retour aux sources.

Il arrive parfois, tandis que l'on travaille sur un spectacle, que le monde qui nous entoure et auquel on fait alors sans doute un peu moins garde qu'à l'accoutumée, semble nous favoriser.
Ainsi, tandis que je suis en pleines répétitions des Confessions de Saint Augustin, voici qu'ouvre au Musée Carnavalet une exposition qui n'eût pu être plus à propos, j'entends évidemment parler des Couleurs du Ciel, peintures des églises de Paris au 17e siècle — elle n'eût pu l'être plus, car comment ne pas être empreint de peinture baroque religieuse lorsque l'on passe ses journées à avoir la langue d'Arnaud d'Andilly si magnifique en bouche, à tel point que j'en arrive presqu'à croire que Saint Augustin vivait au dix-septième siècle. Comment ne pas être empreint de peinture baroque religieuse, quand ma gestuelle en découle, quand mon dictionnaire de gestuelle pour ce projet-là est une monographie de Philippe de Champagne?
Et donc, naturellement, ni une ni deux, dès que justement mes répétitions m'en laissent la liberté, j'y file, pour m'y ressourcer, à un moment où je me sens prêt pour la présentation à Sainte-Clotilde dimanche, mais où je sens aussi que je peux aller encore plus loin.
Peu de monde, et quand, soudain, au détour d'une pièce, je me retrouve, sans m'y attendre, face à face avec Dieu le Père créant l'Univers matériel dudit Champagne!

Je connais bien la toile, naturellement, puisque j'en tire mon geste pour le salut dont Augustin parle à plusieurs reprises. Mais, ça arrive: je ne suis jamais allé à Rouen.
C'est donc la première fois que je le vois, en vrai, et c'est en plus une surprise — comme si l'on rencontrait quelqu'un qu'on a toujours voulu connaître tout à coup, dans la rue.
Je m'en repais au point de ne plus voir que les coups de pinceaux invisibles du peintre de Port-Royal, d'être sur le point de toucher la toile sans m'en rendre compte, tellement je m'y projette.

Puis, bam! de l'autre côté du mur: un Simon Vouet de la fin de sa carrière!
Des visages comme jamais il n'en fit de si beaux, des couleurs, comme toujours, confondantes!
C'en est presque déjà trop, je vascille, me dépêche, cours dans une autre salle, tâchant de calmer mes yeux et mes sens par des toiles peut-être un peu plus banales, mais impossible.
Je rentre dans une nouvelle pièce, et que vois-je? Le Songe d'Elie ("Eveillez-vous, vous qui dormez"), où je suis surpris de découvrir le visage d'un tout jeune homme sous la barbe grisonnante du prophète, puis une esquisse du cycle de Saint Gervais-Saint Protais, rendue plus émouvante encore par sa petite taille, et à la même précision unique que l'immense carton du Louvre, un épisode de la vie de Saint Bruno que je ne connaissais pas!
La tête me tourne, je suis ivre de ces toiles, repasse febrilement dans les pièces où je sais qu'elles sont, n'accorde plus qu'un regard discret aux autres, les yeux humides, et je ressors, naturellement bouleversé, profondément ému, et il me semble que le Marais que j'arpente alors est en pleine effusion baroque, et je serai peu étonné de voir Marc-Antoine Charpentier et Jacques Bossuet sortir de Saint-Paul-Saint-Louis, après une bonne après-midi de travail, et suis aussi ému que lorsque je sors du Musée des Beaux-Arts de Lyon, ou bien sûr des salles baroques du Louvre, où j'avais entrainé, pour les mêmes raisons qui m'ont amené cet après-midi à Carnavalet, Christine quand nous montions Phèdre et Hippolyte de Racine où elle jouait le rôle-titre.
Charles.

Thursday, October 11, 2012

Le nuage sonore.

Ce n'est pas parce que nous faisons du baroque (et de l'élisabethain) pur et dur qu'on n'aime pas les gadgets, à la Compagnie!
La preuve en est le ci-blog, notre chaîne YouTube (où vous regardez nos bandes-annonces en boucle, of course), notre page Facebook (nous ne vous ferons pas l'affront de croire que vous ne nous likez pas déjà), notre Twitter (mais vous nous suivez déjà, naturellement), notre lettre de diffusion (comment? pas encore inscrit?), et enfin, notre récente campagne de dons.

Et à cette liste déjà fort longue, nous avons décidé d'en rajouter un, tout aussi utile, c'est-à-dire SoundCloud, où vous pourrez entendre quelques extraits choisis de nos spectacles (pour commencer l'avis au lecteur d'Arnaud d'Andilly, qui ouvre notre lecture des Confessions de Saint Augustin), quelques un de nos enregistrements, avec de drôles de graphiques tout jolis, qui nous rappellent les trucs bizarres que nous croisâmes en enregistrant la bande originale de notre dernier film, Lord Arthur Savile's Crime.



Alors, courrez! C'est super-chouette!

Wednesday, October 10, 2012

De la générale.

Deux de nos amis les plus estimés relatent la générale des Confessions de Saint Augustin, à la Chapelle de Jésus-Enfant (Sainte-Clotilde), où ils étaient.

Hier le monde était à l'envers.
Celle qui était habituée à être regardée, écoutée, critiquée se retrouvait sagement assise dans une belle chapelle parisienne pour regarder, écouter et critiquer.
En chaire: Charles Di Meglio répétait sa lecture des Confessions de Saint Augustin.
Quel texte! Les propos sur le théâtre sont bouleversants et tellement justes! Ce qui est dit de l'amour et de l'amitié est vécu, émouvant et tout cela pour nous exhorter à tourner le dos à cette vie terrestre. Pourquoi la vie nous est-elle donnée? Si ce n'est pour nous emmerveiller des beautés qui nous environnent et nous aider les uns les autres à surmonter les difficultés qui jalonnent notre chemin?
Mais revenons à Charles qui, spectral, monte en chaire, le geste sûr et très-éloquent, la voix timbrée, la prononciation surprenante de l'époque baroque donnant à entendre ce texte comme au dix-septième siècle. Il est Saint Augustin mais aussi et peut-être surtout ses relecteurs de Port-Royal et nous sommes pris par le récit de cette vie où les spectacles, l'amour, l'amitié partagent son coeur avec la crainte des pleurs de sa mère, ô combien nombreux, sur la perte de son âme.
Mon metteur en scène s'est mué en très bel acteur pour nous délivrer cette parole.
Il ne me reste plus qu'à attendre qu'il reprenne son rôle premier et me dirige dans Elisabeth Première d'Angleterre!



Christine Narovitch, notre Berma.




Formidable, au sens que ce mot revêt dans la langue classique, c'est-à-dire capable d'inspirer de la peur, c'est ce qui m'est venu en tête lorsque j'ai entendu Charles prononcer les propos de Saint Augustin traduits par Arnaud d'Andilly.
La gestuelle et la prononciation baroques, loin de créer une distance qui éloignerait les modernes que nous sommes, ou que nous croyons être, de ce texte, nous le rend au contraire étonnamment présent.
Une fois pris dans le tourbillon où se mêlent et même se confondent la voix et le corps de celui qui nous délivre ce texte tumultueux et le propos qu'il défend et illustre, il nous semble être à Port-Royal, lorsque ceux qui entendaient, qui défendaient ces textes, couraient les plus grands risques, à la fois face à la colère divine s'ils ne savaient pas les écouter et face aux autorités, dont ils sonnaient comme une condamnation.
C'est à une sorte de court-circuit que nous invite Charles, en nous mettant directement face à la résonance profonde et provocatrice de la voix des Port-royalistes.
Il ne faut pas manquer une occasion rarissime de l'entendre. 



Ivan P. Kamenarović.



Wednesday, October 3, 2012

De la chaire (et l'incarnation).

Que l'on se rassure: il ne sera plus question ici de mon pied (oui, oui, il va très bien, c'est gentil; la guérison et la convalescence sont en bons trains, merci).
Car, à mesure qu'approche la première des Lectures saintes, celle des Confessions de Saint Augustin (oui, toujours le 21 octobre prochain à Sainte-Clotilde, ne vous inquiétez pas), nos sujets se doivent naturellement d'être moins frivoles, tandis que le travail devient plus intense encore.
Et, les jours passant avec les filages, une chose devenait de plus en plus certaine: si les passages de récit (la perte de l'ami intime, par exemple, ou le départ pour Rome) étaient clairs, ceux, plus édifiants, des réflexions ou des harangues du saint, l'étaient un peu moins, n'avaient pas la même force que le reste. 
Et pour cause, quand je répète, je suis au niveau du sol, mon pupitre devant moi.
Alors que, lors des présentations, à l'instar de Bérulle évoquant le Verbe incarné à l'Oratoire de la rue Saint-Honoré, je serai en chaire.
Or (oui, c'est étonnant), les laboratoires de la Compagnie n'en sont pas encore équipés, ce qui est bien ennuyeux, car je sais que cela va changer énormément de choses — corporellement, vocalement, dans le rapport que j'aurai avec l'assistance, et dans celui que je devrai avoir avec l'incarnation du texte. Ce qui est d'autant plus ennuyeux que, si nous avons la chance de pouvoir répéter une fois à Sainte-Clotilde avant le 21 octobre, ce n'est qu'une fois, et certains de ces problèmes devront être résolus avant.
C'est pourquoi je décide aujourd'hui de recréer dans nos laboratoires une chaire de bric et de broc: quatre chaises à hauts dossiers, accolées, pour m'élever un peu plus, et pour m'encadrer dans la cuve. Certes, sans l'abat-voix, mais je n'en aurai de toute façon un qu'à Saint-Roch, puisque la chapelle de Jésus Enfant est suffisamment intime pour s'en pouvoir passer.
Ce serait un peu trop dire que cela change tout, mais tout de même. Il me semble qu'à cette nouvelle hauteur, je retrouve l'énergie et l'équilibre qui me faisaient si cruellement défaut auparavant, et je dois revoir certains détails de ma gestuelle: les envisager passant par dessus l'encorbellement, plus en avant, les penser en les dirigeant plus en direction de l'assistance, dont la position est fatalement modifiée. 
Certains gestes deviennent plus amples, plus fermes, sont plus habités, incarnés; la voix s'élève plus à certains moments qui trouvent ainsi la puissance qui manquaient à la harangue, pour tâcher de mieux happer, d'attirer au texte, par ce placement justement conçu pour de telles fins édifiantes. 
Sans parler du regard, qui doit changer radicalement puisqu'auparavant, j'étais au même niveau que mon assistance imaginaire, je pouvais le garder droit. Maintenant, impossible, évidemment: je dois le descendre, l'abaisser vers le sol, si je veux parvenir à élever celui de la foule avec moi.
Et c'est toute une perception de mon corps, et aussi toute une habitude, tant de ma choréographie gestuelle que du placement de ma voix, qui se trouvent changées, et c'est très intéressant — sans doute va-ce le devenir plus encore à mesure que je m'y sens plus à l'aise, au fil du peu de semaines qui me séparent encore de la première, et au cours desquelles j'expérimenterai aussi dans une vraie chaire, ce qui ne pourra être que plus différent et étrange encore — et d'autant plus enrichissant!
Charles.

Wednesday, September 26, 2012

De l'équilibre.

L'équilibre, dans le baroque, c'est essentiel. Enfin, un équilibre oxymorique, bien sûr.
Tout d'abord, parce que le baroque, c'est un perpetuel équilibre de deux contraires qui s'opposent, et sans lesquels le monde serait mort.
D'où la dissymétrie permanente de l'art baroque (les seuls occurences d'un corps symétrique étant la représentation du Christ mort).
Le baroque, c’est une obscure clarté pour nos regards modernes, c’est un oxymore permanent: c’est rendre visible ce qui est caché.
Et la déclamation baroque, c'est forcément un équilibre aussi. Un équilibre entre la pensée rhétorique, qui doit produire rationnellement un discours qui doit émouvoir et toucher le cœur de l'auditeur.
C'est un équilibre dans la prosodie, dans la musicalité, dans les accentuations.
C'est un équilibre dans la gestuelle.
Et c'est aussi un équilibre entre le phrasé et la gestuelle.

Il faut donc que le déclamateur soit sacrément en équilibre pour pouvoir s'y adonner, avec tous ses éléments essentiels. En équilibre, bien planté dans le sol, l'énergie des deux contraires essentiels à rendre la parole vivante et à traduire le Verbe le traversant des pieds à la tête.


Manque de bol, difficile, cet équilibre, quand on est chaussé de façon déséquilibrée. Car si, lorsque je répète ma lecture des Confessions de Saint Augustin, mon pied gauche est chaussé de sa chaussure à déclamation (oui, oui, nous avons ça!), le droit, lui, fait ce qu'il peut. Autrement dit, pour sa convalescence, et pour qu'il soit tout à fait remis avant le 21 octobre, et la première des Lectures saintes, il est enfermé dans une chaussure superatomique qui le maintient, ainsi que sa cheville, dans un carcan immobile, posé sur une énorme semelle (qui me permet toutefois de poser sans dommages le pied par terre, rendons-lui bien cela), qui est plus épaisse de plusieurs bons centimètres que toute forme de chaussure civilisée. Et qui, de surcroît, est légèrement courbe, pour épouser le sol lorsque l'on tente de marcher avec (en claudiquant).
Bref, autrement dit, pas facile de travailler ces jours-ci, maintenant que ma partition déclamatoire est en place, que je pense avoir trouvé les nuances sur le textes, les rythmes, les éclats de voix, les suspens, et que ma gestuelle est fixée, apprise — autrement dit, maintenant qu'il convient d'assembler ces deux éléments équilibrant la déclamation baroque, hé bien, moi, je n'ai plus l'équilibre qui me permet de le faire!
Alors, certes, je suis un bel équilibre déséquilibré. Un oxymore baroque à moi tout seul. Mais ce n'est pas terrible. Trop lourd à porter, sans doute, une telle charge!

Mais que l'on ne s'inquiète pas, je ruse déjà: je mets des cales de porte sous mon pied défaillant, je surélève l'autre, et on ne pourra pas dire qu'une bête métatarse aura été plus fort que moi, que la Compagnie Oghma, qu'Arnaud d'Andilly, que la déclamation baroque et que Saint Augustin réunis!
Charles.