la Compagnie

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Thursday, December 11, 2014

Ebène, palissandre et marqueterie Boulle.


Lorsque l'on œuvre dans le théâtre baroque, il est bien naturel qu'une bonne partie de notre temps soit occupé par la recherche. La recherche aux sources, des codes scéniques de l'époque, de la façon de concevoir le monde pour mieux le percevoir, des textes et partitions, pour les établir de la façon la plus précise et les restituer avec la plus grande honnêteté possible, à partir de matériel de première main et non frelaté par les siècles qui nous en séparent, pour retrouver aussi le sens et la valeur que l'on donnait alors aux mots.
Mais aussi de recherche, qu'on pourrait considérer plus triviale mais qui est néanmoins aussi essentielle, autour de ce qui sera vu à proprement parler sur scène: sur les costumes (que portait-on dans la vie, sur scène, quels étaient les codes tant des costumes que des habits de ville, quels matériaux utiliser, comment pendouille une aiguillette retenant une cape en 1620 ou de combien dépasse un ruban enroulé à l'épaule en 1650?), des perruques et autres poils (qui se coiffait comment, est-ce que l'on donne à untel une moustache à la française des années 1630 ou à la flamande des années 50?), et enfin, comment habillait-on la scène, ou son intérieur?
Car évidemment, le mobilier a son importance aussi et sera signifiant, de même que dans n'importe quelle scénographie. Evidemment, à l'époque, la question se posait moins, et si une comédie nécessitait un coffre pour des jeux de scène, on prenait le coffre que l'on avait sous la main. Quatre cent trente ans plus tard, la question est forcément plus cruciale: j'aurais peine à voir l'équivalent, mettons une boîte Muji, tout aussi élégante qu'elle soit, au milieu de nos bougies!
Lorsqu'avec Timothée, notre ébéniste (qui fut avant tout notre Ange distrait principal en 2008), je travaillais au trône d'Elizabeth première, une conversation a tourné autour de la marqueterie Boulle, de combien c'était une technique remarquable, difficile, mais surtout sublime. Evidemment, la conversation est restée imprégnée dans mon esprit, plein des images ébaudissantes de certains meubles exemplaires.
Ainsi, peu de temps après l'achèvement de ce noble meuble, en mai, j'évoquais avec Timothée la création prochaine de Léandre et Héro de Paul Scarron (en février au Théâtre de l'Ile Saint-Louis), et la nécessité de construire un coffre qui sera essentiel à la mise en scène. Ni une ni deux, nous tombâmes d'accord de ne pas faire qu'un simple meuble de beau bois sculpté, trop fin seizième et austère pour l'allure générale du spectacle, mais soyons fous (et nous le fûmes): explorons ensemble les possibles de la marqueterie Boulle, et créons ensemble quelque chose d'encore plus sublime que ce trône qui ravit tous les mercredis soirs nos spectateurs élisabéthains!
Petit à petit, recherche par recherche, affinage par affinage, la chose se précisait, ses dimensions, bien entendu, dictées par l'élégance de ses lignes en devenir mais aussi par les contraintes techniques, son thème (il doit évoquer à la fois Vénus et la mer — quels étaient leurs symboles respectifs, comment les rendre cohérents?), ses couleurs.
La marqueterie Boulle telle qu'on la connaît, avec ses laitons et écailles, n'apparaît qu'à la fin du siècle. Or nous nous intéressions à sa première moitié. Et puis ce n'était pas très écologique de faire tuer soixante tortues pour avoir de quoi faire un meuble, cela va sans dire. 
Alors nous eûmes l'idée de nous inspirer des meubles 1600, avec leur ébène et leur nacre, leurs contrastes forts et spectaculaires, tout en utilisant la technique Boulle des parties et contre-parties, pour créer un meuble tout en oxymore baroque.


Bref, passons les détails, nos atermoiements, nos heures passées entre les grotesques de Jean Berain pour y trouver les motifs de volutes, les fontaines de Versailles et de Rome et leurs Tritons, les gravures zoologiques issus de cabinets de curiosités, etc. pour arriver à trois jours enfin passés tous les deux, dans la retraite angevine de Timothée (un château seizième, dans lequel Charles IX a fait un petit tour un jour, cela va sans dire), dessinant, nous reprenant, gommant, travaillant ensemble, à quatre mains (tandis que le chien Palissandre, baptisé en hommage au placage dudit bois sur notre trône sautillait autour de nous), pour créer le modèle qui serait ensuite découpé dans nos feuilles de bois précieux.
Car ce travail à deux nous permettait de nous compléter harmonieusement: Timothée apportait à mes idées baroques sa connaissance du bois et de la technique, et vice-versa, Si je savais où trouver un modèle d'acanthe, je ne savais pas forcément le reproduire, ni ce qui était faisable, et Timothée intervenait, proposait, nous nous reprenions et ainsi de suite, chacun inspectant les dessins de l'autre pour les reprendre avec gentillesse ou les louer avec ferveur.
Trois jours aussi où j'ai eu l'impression d'être projeté à cette époque dans laquelle je passe pourtant déjà le plus clair de mon temps, nous chauffant à la cheminée, le souffle glacé par l'hiver installé, les yeux plissés après de longues heures d'assemblage des bois, de découpes, au milieu de ces bois magnifiques, et de ces motifs qui nous surprennent nous-mêmes encore, tant nous trouvons notre pastiche remarquable! Certes, trois jours c'est trop court pour finir un meuble aussi complexe que celui-ci, je laissais donc Tim dans son château pour rentrer à mes répétitions parisiennes, et j'ai grande hâte tant de voir la chose terminée, que de la faire découvrir sur notre scène éclairée à la bougie!
Charles.

Tuesday, October 7, 2014

Presidentens Ordet.

Une nouvelle rentrée pour la Compagnie Oghma! 

Du sang neuf cette année, parmi les comédiens comme parmi les administrateurs de la compagnie, le traditionnel Mot du — nouveau — Président s'imposait donc… 

Des visages nouveaux à la Compagnie, mais toujours autant de bougies! Et pour cause, comme l'année dernière, trois spectacles vous permettront de nous suivre tout au long de la saison. Une programmation riche, puisqu'elle comporte deux créations, toujours aussi éclectique avec du théâtre et un concert. Une particularité nous autorise à mettre toutefois plus particulièrement — et tout aussi modestement que par le passé — cette saison-ci en avant: car elle sera placée sous le signe du burlesque.
Le rire et le baroque, à la Compagnie Oghma ça n'est pas incompatible et ça fait d'ailleurs des années qu'on s'amuse franchement avec nos bougies et nos violes de gambe. Mais cette année, c'est vous que nous avons décidé de faire rire avec une programmation un peu particulière, concoctée par Magister artium noster autour de la frivolité, de la satire, de la légèreté, peut-être de la grosse marrade. Ce sera à vous de décider et vous aurez l'embarras du choix à travers nos trois spectacles dont il est peut-être temps de vous dire un petit mot. Rrrroulements de Ragnar (le tambour renaissance de la Compagnie): 

Une reprise, d'abord. Une semaine c'était trop court, alors la Reine Vierge revient dès demain et tous les mercredis au Théo Théâtre jusqu'au 17 décembre! Elizabeth, R. pour les intimes dont nous espérons maintenant faire partie, femme d'exception incarnée par Christine Narovitch dans la superproduction que vous êtes déjà nombreux à être allés voir l'année dernière. Une reprise enrichie d'un texte toutefois, que les soutiens les plus fidèles de la compagnie ont été invité à découvrir samedi lors de notre première répétition publique de la saison. Un spectacle qui aura ainsi pu murir pendant l'été et augmenter encore en profondeur et en intériorité, sans perde de ce qu'il dégageait déjà en majesté — car mes souvenirs, quoique presque lointains, demeurent pourtant vivaces, grâce à la puissance de cette convocation parmi nous, pour vous et par nousde la Reine Vierge. 

La Courante ensuite, le concert de la saison, au mois de janvier mettra naturellement la viole de gambe à l'honneur, grâce aux musiciennes de l'Ebo, l'ensemble instrumental de la compagnie, dans des œuvres de Sainte-Colombe le fils. Entre ces pièces s'intègrera la déclamation de textes tirés d'un opuscule (fatalement dédié au confesseur du Roi, ce qui en accroît l’ironie) miraculeusement dégotté par Magister artium noster, satires irrévérencieuses, en vers naturellement, des codes et formes de la poësie galante du Grand Siècle, par des poëtes galants du Grand Siècle. Et vous aurez l’occasion de découvrir Mélusine dans une belle robe rose et Charles devenu pour l’occasion tout blond!

Léandre et Héro, enfin, de février à mars. Une satire, encore une fois, par Scarron, du mythe tragique de Léandre et Héro. Les amours de la jeune et belle Héro et du beau et jeune Léandre, présentées par la Compagnie dans sa grande création de la saison, à travers les codes codes baroques revisités par le poëte. Léandre et Héro fait partie de ces mythes — que nous refusons d'abollir — auxquels la Compagnie a toujours été attachée… alors inutile de vous dire qu'on sauté sur l'occasion! L'occasion nous a d'ailleurs permis de grossir nos rangs avec Elsa Dupuy qui est déjà familière de ces codes spécifiques et Ulysse Robin, qui, lui, a entamé une formation il y a déjà plusieurs mois au sein de la Compagnie, découvrant l’exigence du baroque — car la formation fait aussi partie de nos préoccupations. Comme c'est la grosse production de la saison, on a en plus décidé de mettre le paquet et après avoir exhumé cette merveille oubliée de l'œuvre de Paul Scarron (le père du Burlesque et le premier mari de sa veuve célèbre ensuite) nos petites — et habiles — mains se sont déjà mises à l'ouvrage pour vêtir (pas trop!) nos jeunes amants des brocards les plus purs aux couleurs chamarrées.
Une saison riche donc, sur laquelle nous travaillons tous d'arrache-pied! Ce travail, nous vous invitons donc à le suivre lors de nos représentations… et aussi tout au long de l'année sur nos pages Facebook, Instagram, en vous inscrivant à la newsletter (boîte ci-contre) et, pour les plus curieux d'entre vous, en venant directement nous voir pendant nos répétitions publiques! 

A très bientôt donc, pour une saison nouvelle que nous vous souhaitons joyeuse, burlesque et baroque!
Alexandre Comolet, Président de la Compagnie Oghma.

Thursday, August 7, 2014

Une reprise pas comme les autres.

Une reprise, c'est généralement un peu plus facile qu'une création: on sait où l'on va, on connaît bien sa partition, ses déplacements, l'œuvre sur laquelle on travaille, et généralement le lieu dans lequel on jouera, et les surprises sont moins terrifiantes.
Cela ne veut pas dire pour autant que c'est ennuyeux, puisque cela permet de rectifier aussi quelques erreurs qu'on aurait commises lors de la première version, de revoir certains textes — comme ce sera le cas en octobre lorsque nous reprendrons notre Elizabeth R., avec un nouveau texte et des costumes plus détaillés — et, dans tous les cas, de revenir avec plaisir et hâte à un spectacle que l'on a aimé présenter, et que le public a plébiscité. 
Dans cinq jours, nous reprenons les Excellentes Inventions de Tobias Hume, créées en mars à Paris, et données il y a une petite semaine à Limoges, à chaque fois devant une assistance volubile en éloges.
Mais ce n'est pas qu'une reprise, avec son confort. Car si notre spectacle marque notre présence en Périgord pour la première fois, il nous donne surtout l'occasion de jouer dans le cadre plus qu'unique du château de l'Herm — un lieu qui me fait rêver depuis la première fois que j'y suis allé avec mon gran'père à moins de dix ans, le retrouvant depuis toujours avec la même joie, mais aussi la même crainte, tant revêtu de mystère qu'il est.
Un spectacle se doit de s'adapter à son lieu de présentation, et c'est un effort que nous faisons toujours, naturellement. Et là, il faut être à la hauteur de celui-ci — d'autant qu'il se prête plus qu'avantageusement à mon idée initiale du programme: tenter de retracer la vie d'un mercenaire anglais, soldat mais aussi compositeur, homme bravache mais qui se permet aussi de se laisser aller à sa mélancolie sans flagornerie, à travers sa musique et ses rares textes.
Pour l'occasion, nous devons revoir toute la mise en scène, l'adapter au lieu. 
Et si les deux musiciennes de l'Ebo, Mélusine et Julie ne me rejoignent dans notre fief que dans deux jours, quand commenceront effectivement ces nouvelles répétitions, les ateliers de la Compagnie sont malgré tout en ébullition, sciant, cousant, peignant — pour nous emparer du lieu tel qu'il le mérite, construisant, recréant tout à nouveau — car c'est finalement pratiquement un tout nouveau spectacle que nous proposerons, pour une présentation exceptionnelle. Nous sauterons partout dans le château, qui sera véritablement en état de siège comme au seizième siècle quand il a été construit, avec des soldats rôdant autour du donjon paré des couleurs de ses seigneurs (en l'occurrence les Calvimont), les explosions qui feront rage tout alentour, les flambeaux qui permetteront, stratégiquement placés, d'y voir assez pour défaire l'adversaire sans l'aider pour autant, noyé dans les brumes du champ de bataille fumant — au centre duquel la musique de Tobias Hume viendra résonner de sa force.
Enfin, après une visite il y a quelques jours dans le château déserté de ses nombreux visiteurs habituels, mon plan de bataille est prêt, et la hâte d'y être à nouveau est grande.
A lundi!
Charles.

Tuesday, June 3, 2014

De Elizabetha Reginae vox populi.

Elizabeth R., autour des textes de la Reine vierge, c'est fini pour la saison — mais elle revient dès le mois d'octobre.
D'ici là, en voici un rapport qui nous fait rougir d'une spectatrice aussi émue que nous le sommes à la lecture de ses lignes.



Je me suis réveillée ce matin en me disant: comment se fait-il que j'ai tant aimé cette mise en scène et la parfaite direction d'acteur, alors que ce spectacle, sa forme, ne correspond en rien à ce que je connais théâtralement parlant?
J'y ai vu comme un grand poëme épique onirique d'une beauté inouïe, comme un tableau en mouvement avec une gestuelle d'une grâce absolue, des mimiques retenues et pourtant expressives, comme le tableau en mouvement d'une Reine au pouvoir absolue, masquant à tous propos sa profonde sensibilité d'une façon indicible.
Dans une ambiance de clair-obscur à la Rembrandt, provoqué par cet éclairage sublime à la bougie on est tout de suite transporté dans l'univers irréel des icônes qui peuplent nos rêves. Elizabeth R., devenue mythe sous la palette de son interprète Christine Narovitch et celle de son metteur en scène Charles, comme le sont les grands personnages lyriques! Et le personnage de l'homme, tenu par Charles, aussi m'a beaucoup intéressée. A la fois fidèle courtisan et manipulateur, il m'est apparu d'une étrangeté diabolique. Sa danse avec Elizabeth, à la fois baroque, inquiétante et drôle (quel paradoxe!) m'a enchantée. Et puis que de grâce dans ses déplacements, comme un glissement ensorcelant devenu musique par ses mains.
J'ai aussi beaucoup pensé à la poëtique d'un François Villon, aux chansons de gestes du Moyen-Age, aux fantômes qui hantent la nuit les musées.
Je n'avais rien lu des intentions du metteur en scène, j'ai simplement laissé courir ma sensibilité tout au long de ce spectacle d'une grande hauteur. 
Danièle Fouache.

Saturday, April 26, 2014

Elizabeth Tudor d'Angleterre, par elle-même.


Elizabeth en tant que reine est une icône.
Aujourd'hui c'est la femme que je recherche derrière l'image officielle.
Meurtrie par une enfance et une jeunesse traumatisantes: de l'exécution de sa mère par son père jusqu'à son emprisonnement par ordre de sa soeur à la Tour de Londres, elle passe sans transition de l'esclavage au pouvoir, de la faiblesse à la toute puissance.
Elle est femme mais domine les hommes de son temps, à la fois par sa position de souveraine mais aussi par sa très grande culture et ses capacités intellectuelles. Elle n'entend être dominée par personne.
Cependant elle a un coeur et connait l'amour.
Profondément croyante, elle aime néanmoins s'amuser, danser, faire de la musique, écrire des poëmes.
Ainsi sous le portrait de la reine aperçoit-on les contours d'une femme au caractère complexe, voire contradictoire, ses goûts, ses joies, ses inquiétudes, ses hésitations.
Ce sont les mots propres de cette femme que je profère dans notre spectacle — avec humilité et émotion et à travers lesquels passent sentiments et traits de caractère me surprenant parfois moi même pour ma plus grande joie.
Christine Narovitch, qui sera bientôt notre Elizabeth I sur scène.

Saturday, March 8, 2014

Le repos du guerrier.

Depuis la création de noter spectacle autour des sonnets de Shake-speare, début février, la honte nous fait avouer que nous n'avons guère été bavards.
Non parce que nous n'avions gran'chose à dire, mais bien au contraire, car nous n'avions pas une minute à nous!
Car, après les trois semaines Ile Saint-Louis, nous avons enchaîné sur la création parisienne des Excellentes Inventions du Capitaine Tobias Hume — un concert spectaculaire, porté par notre idole de toujours, qui est présent dans chacun de nos programmes, Tonton Tobias, donc — et Mélusine, Marie-Suzanne, Charles, leurs dix instruments et leurs quarante cordes ont déclaré la guerre à l'église protestante des Batignolles à Paris, plongée non seulement dans les lumineuses ténèbres de nos bougies, créant à chaque instant un nouveau tableau vivant de Rembrandt, mais aussi dans les affres du plus grand bain de sang de l'histoire de la musique ancienne. 
La guerre est finie, du moins pour le moment: nous avons créé le concert jeudi (7 mars), remis ça le lendemain.

Et si la bataille a été victorieuse, et le succès plus qu'au rendez-vous (au moins deux rappels par représentation, et des membres du public debout!), les soldats rentrent chez eux, dans leurs habits boueux et ensanglantés, heureux, fatigués, et remisent leurs épées, bannières, tambours à leurs places — pour les laisser reposer jusqu'à cet été, quand naturellement nous nous mettrons à nouveau sous le commandement de notre chef d'escadron, le Capitaine Hume, pour aller envahir le Sud-Ouest, mais aussi et surtout, quand nous nous enfermerons dans nos sombres retraites pour enregistrer ces inventions oxymoriques, et en faire un magnifique disque — le premier de l'Ebo!
Qui ne pourra évidemment se faire sans vous — c'est pourquoi nous lançons juste une grande campagne de financement par la foule, sur la sage plate-forme au nom du cri de l'animal de Pallas. Car, si un enregistrement de qualité, ça n'a évidemment pas de prix, ça coûte tout de même cher, hélas.
Mais chaque don, même le plus symbolique, compte.

Donc, pour user d'une modeste briéveté, et d'une courte expression, n'hésitez plus: comme les foules conquises aux Batignolles, permettez à tant d'autres de se laisser envahir avec joie, et aidez notre rêve aussi fou que notre Capitaine mercenaire, à se faire!
​D'avance merci.

Tuesday, January 28, 2014

Shakespeare, au théâtre.

A une semaine de la première de To.The.Onlie.Begetter. — la prochaine création de la Compagnie sur les sonnets de William Shake-speare, où je suis seul sur scène à déclamer ces textes dont je ne puis me lasser, accompagné de mon fidèle Willie le luth — arrive ce moment plutôt chouette, mais aussi un peu délicat dans un spectacle: celui des premières répétitions dans le théâtre.










Car, on a beau répéter en imaginant précisément la scène sur laquelle on s'apprête à jouer — j'essaie de penser mes spectacles pour le théâtre auquel il est destiné, et non pas dans une vision globale transportable, et les adapte radicalement quand on les déménage — on est toujours un peu surpris: tiens, là je peux faire un pas de moins que je ne le pensais, sinon je suis dans les bougies — oh, mais si je mets mon pupitre ici, comme en répétition, je ne vois plus mes partitions — la sortie des coulisses est un peu plus étroite que je ne le pensais, tiens, je ne peux pas le faire entièrement de profil! etc.
Ce peut être un moment terrible, plein de mauvaises découvertes, quand on ne dispose par exemple pas de temps suffisant dans ledit nouvel espace, devant tout précipiter, travaillant au gros plâtre quand il conviendrait à ce moment-là d'au contraire polir son marbre. Et il y a des scènes anonymes, des scènes où l'on ne se sent pas bien, et des scènes qui nous happent tout de suite, nous portent, dès qu'on y pose un pied — citer celle de l'Opéra Royal de Versailles serait un exemple trop facile et pourtant révélateur; heureusement il y en a d'autres:
Dès les premiers instants dans le théâtre de l'Ile Saint-Louis, on se sent chez soi — pas simplement parce que la loge y est somptueuse, et la salle chaleureuse, ni parce que la scène y est confortable — mais surtout parce que l'on sent tout de suite que le spectacle en lui-même est ici chez lui.
La salle tout en bois, la scène, petite, mais suffisamment grande pour s'y déplacer sans confinement malhabile, la proximité avec le public, mais néanmoins une distance légère créée, ne serait-ce par la scène surélevée, tout y confère l'intimité dont j'avais rêvé pour ce spectacle — une intimité immédiatement renforcée sitôt nos bougies toutes allumées, nous plongeant immédiatement dans un autre monde.
Et alors que j'aurais pu rentrer chez moi, terrifié, devant transformer le spectacle dix jours avant sa première, au contraire, c'est tout heureux et détendu (enfin, presque, et les cauchemars ne vont pas disparaître pour autant – si tant est que je dorme) que je m'attèle à nouveau au travail, pour parfaire ce que ce bel écrin présentera bientôt.
Charles.