la Compagnie

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Sunday, December 19, 2010

Lord Arthur investit mon salon!



Au secours ! Help !
Toujours à la recherche d’un crime imposé par un fol ukase du destin, le mystérieux Lord Arthur Savile, échappant à son créateur comme la créature de Frankenstein échappa au sien, est venu passer l’après-midi dans notre salon. Les faits se sont déroulés le samedi 18 décembre, Monsieur l’inspecteur. L’ambiance était parfaitement tranquille à l’extérieur. Paris se figeait dans l’attente silencieuse de la neige. Tout a commencé par un coup de sonnette, et quand j’ai ouvert ma porte, il était là, sur le paillasson, le chef de bande en personne, un nommé Charles Di Meglio, si je ne me trompe pas. L’œil sombre, la mèche noire, il trainait derrière lui une immense valise qui aurait pu parfaitement convenir au transport discret d’un cadavre. La malle sanglante contenait-elle le corps gonflé d’eau du malheureux Septimus Podgers ? Echoué au milieu du salon, l’énorme bagage commença bientôt à dégorger ses trésors. Un tas d’accessoires hétéroclites dignes d’un inventaire à la Prévert surgit du coffre au trésor : un trépied, une caméra, un clap, des spots, une lampe à pétrole en état de marche, un chapeau haut de forme, des gants, une jaquette noire, une élégante chemise blanche et sa cravate mordorée, un petit encrier, des feuilles de papier, des réflecteurs lumière, et quoi encore ? Pas la moindre trace de chiromancien occis, en tout cas. Au milieu du salon, dont l’élément dominant est, je dois le préciser, une grande bibliothèque couvrant deux murs, Charles, le grand maître de l’illusion, s’activait, faisant disparaitre des objets de mes étagères à mesure qu’il en faisait apparaître de nouveaux sur la table. Une photographie de Gérard Philipe, quelques verreries de Venise, un buste de Molière, furent ainsi escamotés sans pitié. Mais il ne suffisait pas de s’attaquer sans vergogne à mes maigres possessions, il fallait encore embarquer le digne David Rose dans la folle aventure, lui faire subir les outrages d’un maquillage tout en ombres et pâleur, qui transforma mon compagnon en austère bibliothécaire. C’est à ce moment-là, alors que volaient encore les pinceaux poudrés à blanc et que séchait à peine le fond de teint sur le visage transfiguré de David, que surgit le deuxième compère, en réalité le personnage principal. Un jeune homme paisible qui, ayant enfilé les vêtements de la malle, et subi à son tour le rite patient de l’application des poudres et du blush, se trouva vite transformé en un personnage élégant, surgi d’un passé qui a traversé tant les salons que les bas-fonds de Londres, Lord Arthur Savile lui-même (Thomas Lajudie), en quête de son implacable destin ! Action ! Le clap a retenti, la voix de Charles aussi. Nous voici partis pour trois heures de répétitions et de tournage. Accroupi près de la caméra, l’assistant (Pierre Dupont) note des chiffres sur ses fiches : plan 1 – prise 1. Plan 1, prise 2. On ira jusqu’à onze, allégrement. Coupez ! crie le metteur en scène. Elle est bonne ! Pas tout à fait quand même, puisqu’on recommence, encore et encore, jusqu’à complète satisfaction. Dans le salon transformé en portion de la Guildhall library, Lord Arthur, assis, se concentre sur la liste des noms des victimes potentielles. Il fait un tri dans ses relations. Qui sera l’objet de ce crime qu’il commettra par devoir, comme on se débarrasse d’une corvée, pour se conformer à l’arrêt du destin? Lady Gladys, pourquoi pas ? Charlus (tiens, un clin d’œil à Marcel…)? Le doyen de Chichester? Le sombre bibliothécaire apporte des ouvrages, un peu suspicieux, un peu hautain. On lui demande des livres étranges, qui sentent le souffre. Et voici qu’on le rappelle, pour lui réclamer d’une voix hésitante un livre plus compromettant encore : la Toxicologie d’Erskine. Tout cela est bien suspect… Le soir descend, la pénombre se glisse. Quelques gros plans encore et voici que le trio remballe, effaçant toutes ses traces.
Voilà toute l’affaire, Monsieur l’inspecteur. Je vous jure que j’ignorais tout des sombres desseins de mes visiteurs. N’imaginez pas que je sois leur complice ! Je croyais innocemment qu’ils tournaient un film… Si ça peut vous aider, j’ai quand même un indice. Je connais le nom de leur commanditaire. Un homme à la réputation fâcheusement compromise à ce qu’on dit : un certain monsieur Oscar Wilde.
Danielle Guérin.

Thursday, December 16, 2010

L'ancient Phénix renaît de ses cendres.

Le premier avril, et notre très-attendu concert au musée Carnavalet, se rapprochent, et nous avons aujourd'hui filé notre spectacle autour des sonnets de William Shake-speare, To.The.Onlie.Begetter., pour la première fois depuis sa création il y a déjà six mois.
Bien entendu (et heureusement), la chose n'est pas présentable en l'état. Il y a du travail à la pelle, mais de beaux restes.
Comme toujours, la répétition a commencé par quelques raccords, sur les grands ensembles difficiles, Sweet ayre de Hume, ou Goe crystall teares de Dowland. Et immédiatement, dès les premières notes, nous voilà tous les quatre instantanément replongés dans l'atmosphère doucement mélancolique du spectacle.
Mais ce qui était avant tout intéressant dans notre répétition, c'était justement de voir comment le spectacle avait mûri dans nos esprits, comment il avait évolué avec nous depuis le mois de mai. De voir les différentes perceptions que nous avions maintenant des pièces, des textes, de la mise en place, même. Et si nous avions déjà décidé de changer ou de rajouter des pièces, d'autres propositions ont encore vu le jour.
Et le travail qui s'annonce semble plus exaltant encore que notre séance pourtant bien enthousiasmante, et l'idée de repartir à la découverte de ces textes si riches, et des pièces musicales si intenses, de les explorer plus à fond encore, de les faire résonner avec une profondeur retrouvée et nouvelle, de les décortiquer pour mieux les faire jaillir dans un cri d'amour, m'enchante au plus au point, et me donne grande hâte de nos prochains rendez-vous.
Charles.