la Compagnie

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Monday, February 28, 2011

Sunday, February 27, 2011

On ne fait pas du DeMille sans casser des œufs.


A quelques heures du tournage de la plus grosse séquence de Lord Arthur Savile's Crime, une scène située en plein pendant le Carnaval de Venise, dans un riche palazzo, je peux dire que c'est un moment que j'attends depuis longtemps.
Il y a de ces scènes, dans un film ou dans une pièce, que l'on a hâte de répéter, de travailler, de voir pour la première fois — non pas que les autres ennuyent, loin de là! —, et je dois dire que, malgré la quantité de travail qu'il nous a fallu pour l'organiser, la mettre en place depuis plusieurs mois, pour que tout soit prêt à temps — réflechissant aux costumes qui devront y figurer, aux gens qui les porteront, aux masques qui iraient le mieux avec l'impression d'irréelle et d'angoissante beauté que je veux qu'elle dégage, dessinant sans relâche différents assemblages, les essayant, recommençant pour arriver à quelque chose qui ne pourra nous satisfaire et nous rassurer qu'une fois que les acteurs seront réellement, en chair et en os devant nous, dans leurs costumes, dans le décor qui ne demande plus qu'à être rempli —, et les difficultés, et les imprévus qui se présenteront immancablement au cours des huit heures sur le plateau qui nous attendent (pour quarante-cinq secondes d'images, naturellement), ce moment du film devrait valoir son pesant de cacahuètes.
Certes, nous sommes loin des mille figurants de Metropolis, ou des foules endiablées d'un Stroheim moyen, avec les quinze acteurs qui composeront la scène, mais ce sera néanmoins une scène digne des plus grands DeMille — et, forcément la plus coûteuse du film — et une scène remplie d'amis et de guest stars, comme Timothée Rebillard, le héros de notre précédent film Les Anges distraits, ou Quentin Dany, le monteur du présent.
Et maintenant que les masques attendent d'être habités, que les costumes, sagement rangés et étiquetés sur leurs cintres, sont prêts à être portés, et que les torches magistrales ne demandent qu'à flamber, malgré mon angoisse particulièrement forte et tenace depuis plusieurs jours, je suis impatient de commencer cette seizième journée de tournage, que les acteurs s'agglutinent autour de leurs cafés et gâteaux avant d'être maquillés, de voir les choses progressivement prendre forme!
Charles.

Tuesday, February 15, 2011

Filer Hume.

(on reconnaît évidemment Willie, Zizine et la Femme du Pirate, ainsi qu'une Marie-Suzanne floue)
Un premier filage d'un spectacle, c'est-à-dire le répéter du début à la fin, sans s'arrêter, quoi qu'il arrive, n'est jamais un moment très rassurant — car c'est la première mise à l'épreuve d'un travail de plusieurs mois.
Mais c'est aussi un des moments les plus intéressants du processus de travail.
Car, malgré les difficultés qui apparaîssent, les heurts, le manque de fluidité dans les enchaînements, les remaniements nécessaires, c'est le premier moment où l'on se rend compte du tout que forment les différentes parties jusque là vues séparement, et comme entités indépendantes.
Ce soir, en sortant du premier filage de notre prochain concert, The Most excellent Inventions of Captaine Tobias Hume, malgré la fatigue qui, fatalement, s'installe, je suis très-heureux, et submergé, comme jamais, par la complexité, la profondeur, et la richesse de la musique de Hume, et par le sentiment de ne que l'effleurer pour l'instant.
Dans le travail, nous en parlions comme quelque chose de naturel, de logique, mais sans réellement les interroger, happés que nous étions par chacune des pièces, que nous percevions séparemment. Le Capitaine était, dans nos esprits amusés, un type complètement fou, qui a composé des pièces magnifiques, et des morceaux fantasques. Tout à coup, se répondant l'une l'autre (car le programme a été conçu pour créer un perpetuel jeu de réponses d'un morceau à l'autre), chaque pièce paraît enrichir la précédente et la suivante — et, ce qui marchait sur le papier, même si un peu chaotique comme dans tout premier filage, semblait encore plus fort que nous ne pouvions l'imaginer.
Si certains partis pris s'étiolent, semblent tout à coup absurdes, la plupart se confirment, se précisent, semblent plus concrets et importants encore.
De même que la préface du compositeur à ses deux recueils — qui, déclamée, ouvre le spectacle — travaillée dans son coin, me semblait un éclat de bravoure éloquente et virile, à la rhétorique facile, avec ses classiques défenses face à de potentiels détracteurs, semble brusquement contenir tout de la musique de Hume! Cela paraît évident, avec le recul, et quand on considère tout ce qui en a été dit depuis la redécouverte du musicien — mais, d'entendre à nouveau toutes les pièces qui forment le programme, à la lumière de ce qu'en dit leur auteur lui-même, avec toutes ses maladresses stylistiques, sa verve un peu mégalomane, les éclaire d'une façon qu'on ne pouvait imaginer avant que de faire notre premier filage. Tobias Hume devient tout à coup un révolutionnaire musical, profondément inventif, et laisse à deviner de lui bien plus qu'on ne pourrait le penser en travaillant le texte seul, comme un simple extrait de rhétorique baroque.
Il y a du boulot qui nous attend dans les deux semaines qu'il nous reste, bien sûr, et tant mieux. Mais du boulot avec une ligne directrice plus claire, car maintenant, là où nous allons paraît plus évident.
Charles.

Monday, February 14, 2011

An early morning in the life of Lord Arthur.

Encore un œil neuf sur les coulisses du tournage de 'Lord Arthur Savile's Crime, a study of duty', avec Thomas Lajudie.

Tuesday, February 1, 2011

Déchiffrer Hume.

A la Compagnie Oghma, nous ne travaillons qu'à partir — quand nos recherches ne nous permettent pas de découvrir les manuscrits originaux — de fac-similés d'éditions originales. C'est normal — car comment être véritablement fidèle à une œuvre, comme nous prétendons l'être, sans en passer par là?
C'était le cas quand nous montâmes Phèdre & Hippolyte de Jean Racine en 2008, pour laquelle production nous étions revenus à l'édition de 1677, pour retrouver la ponctuation voulue par Racine. Evidemment, notre traduction des Sonnets de Shake-speare, pour le spectacle To.The.Onlie.Begetter. s'appuie sur l'édition de Thomas Thorpe parue en 1599 — car, malgré ses erreurs, c'est la seule à nous pouvoir apporter l'orthographe d'époque, à même de nous éclairer tant sur les ambivalences et les jeux de mots sur lesquels tranche forcément l'éditeur moderne la plupart du temps, que sur la prononciation élizabethaine. Et, lorsque nous présentâmes le spectacle en avant-première six mois avant sa création, accompagnés du contre-ténor Rodrigo Ferreira, nous avions dégotté un manuscrit inédit de Henry Lawes.
Et, naturellement, pour notre fantasque The Most excellent Inventions of Captaine Tobias Hume, nous nous tournons vers l'édition de John Widget.
Mais, ce n'est pas tous les jours un travail facile, surtout lorsque nous attaquons la lancinante Captaine Humes Lamentation, dont la qualité de l'impression est un peu branlante.
Des blanches se retrouvent ainsi transformées en noires par un excès d'encre, des silences apparaîssent ou disparaîssent, et la tablature nous laisse pantois quant à la discrimination entre en e et un c. Sans parler des bavures du verso qui rajoutent des notes aléatoires à la partie du dessus.
Cela va sans dire, nous ne nous arrêtons pas à si peu, et ne nous laissons pas impressionner, comptant nos temps, comparant les accords avec la partie du dessus pour retrouver certaines notes, retrançant la logique d'une phrase, mais cela donne parfois lieu à des cocasseries, des comptes faussés par des accrocs et des trous de vers, et des dialogues absurdes comme
Mélusine: Le machin, c'est une note?
Charles: Non, je crois que c'est une pause, mais qu'en revanche le zigouigoui qui suit, c'est un si bémol et une blanche.
Marie-Suzanne: C'est plutôt une ronde, mais alors si c'est un si bémol, moi j'ai un d sur mon sol et pas un b sur mon do!
Oui, travailler à la Compagnie Oghma, c'est une bonne tranche de rigolade!
Charles.