A quelques heures du tournage de la plus grosse séquence de Lord Arthur Savile's Crime, une scène située en plein pendant le Carnaval de Venise, dans un riche palazzo, je peux dire que c'est un moment que j'attends depuis longtemps.
Il y a de ces scènes, dans un film ou dans une pièce, que l'on a hâte de répéter, de travailler, de voir pour la première fois — non pas que les autres ennuyent, loin de là! —, et je dois dire que, malgré la quantité de travail qu'il nous a fallu pour l'organiser, la mettre en place depuis plusieurs mois, pour que tout soit prêt à temps — réflechissant aux costumes qui devront y figurer, aux gens qui les porteront, aux masques qui iraient le mieux avec l'impression d'irréelle et d'angoissante beauté que je veux qu'elle dégage, dessinant sans relâche différents assemblages, les essayant, recommençant pour arriver à quelque chose qui ne pourra nous satisfaire et nous rassurer qu'une fois que les acteurs seront réellement, en chair et en os devant nous, dans leurs costumes, dans le décor qui ne demande plus qu'à être rempli —, et les difficultés, et les imprévus qui se présenteront immancablement au cours des huit heures sur le plateau qui nous attendent (pour quarante-cinq secondes d'images, naturellement), ce moment du film devrait valoir son pesant de cacahuètes.
Certes, nous sommes loin des mille figurants de Metropolis, ou des foules endiablées d'un Stroheim moyen, avec les quinze acteurs qui composeront la scène, mais ce sera néanmoins une scène digne des plus grands DeMille — et, forcément la plus coûteuse du film — et une scène remplie d'amis et de guest stars, comme Timothée Rebillard, le héros de notre précédent film Les Anges distraits, ou Quentin Dany, le monteur du présent.
Et maintenant que les masques attendent d'être habités, que les costumes, sagement rangés et étiquetés sur leurs cintres, sont prêts à être portés, et que les torches magistrales ne demandent qu'à flamber, malgré mon angoisse particulièrement forte et tenace depuis plusieurs jours, je suis impatient de commencer cette seizième journée de tournage, que les acteurs s'agglutinent autour de leurs cafés et gâteaux avant d'être maquillés, de voir les choses progressivement prendre forme!
Charles.
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