la Compagnie

la Compagnie

Tuesday, March 29, 2011

Courage, filons!

Vendredi, c'est le grand jour, celui de notre représentation tant attendue au musée Carnavalet; demain générale, et aujourd'hui, premier vrai filage de tout le spectacle, de To.The.Onlie.Begetter., notre spectacle autour des sonnets de Shake-speare que nous avions créé la saison dernière.
Le premier vrai filage, car jusqu'à maintenant, nous nous permettions de nous arrêter, pour redéfinir un tempo, pour me souffler un vers qui m'échappait, pour revoir telle phrase musicale ou tel enchaînement texte/musique.
Et de faire un vrai filage de ce spectacle, c'est important, car tout ou presque tient au fait que justement, nous sommes unis par un même souffle, une même énergie, une même ligne directrice, du début à la fin.
Evidemment, c'est physique, sportif, et fatiguant! — un heure et quart sans pouvoir rien relâcher (enfin, plutôt une heure et demie et des poussières aujourd'hui, d'ailleurs!).
A la fin, on en sort vidé, vidé mais heureux lorsqu'on reste encore quelques instants magiques réunis, connectés par cette énergie commune qui nous a portés jusque là. Quelques instants de vide, suspendus dans l'air, le temps.
Car malgré ce que ce spectacle nous oblige à mobiliser, malgré toute l'énergie que nous dépensons à le répéter, à le construire, c'est (et je crois pouvoir le dire au nom de nous tous) quelque chose que nous sommes extrêmement heureux de faire. Plus qu'heureux, même.
Ce premier vrai filage nous permet aussi de revoir, de percevoir à nouveau le nécessaire de cette énergie, de la force qu'il faut sans cesse mobiliser pour que ça marche.
Dans ces cas-là, et jusqu'au dernier moment, nous répétons en cercle, Marie-Suzanne et Mélusine, les deux violes se font face, Simon au luth est au milieu, en face de moi. Ça nous aide incroyablement, nous permet de rester entre nous, de garder cette intimité nécessaire au spectacle — et qui sera sans doute plus perceptible encore à Carnavalet, puisque le cadre le permet plus encore que lorsque nous donnâmes le spectacle dans le temple du Pentemont.
Quelques retouches à porter se signalent bien sûr aussi, des retouches qu'on ne pouvait imaginer lorsqu'il était possible de s'arrêter. Des enchaînements à légèrement fluidifier, et, surprise générale! — des tempi à accélerer. — Car si je suis en général le premier à pousser les musiciens à ralentir, à respirer pour laisser le texte musical palpiter, résonner, de même que la musique de Shake-speare (qui me confond et me submerge toujours autant, même après deux ans de travail sur ces textes dont je ne me lasse pas, que je relis sans arrêt, me baladant souvent avec le recueil complet) — aujourd'hui, voilà que je dis qu'il faut prendre Beccus, an Hungarian lord his delight de Hume, ou Mrs Anne Markhams Pavin de Cutting avec plus de rapidité, de légèreté! — Ce qui ne m'empêche pas de ralentir d'autres détails, bien entendu; n'exagérons rien.
Mais l'ensemble, vu dans son ensemble, précisemment, paraît juste, avance de lui-même, se porte, et nous porte, et nous nous laissons entraîner, voguer presque sans nous en rendre compte, submerger presque sans rien contrôler, par Tobias Hume, Alfonso Ferrabosco, Anthony Holborne, John Dowland — et par William Shake-speare.
Charles.

Saturday, March 12, 2011

Véridique récit autobiographique d'une prostituée horrible.



En ces premiers jours de mars, Charles m’invite à nouveau à passer une journée sur le tournage de Lord Arthur Savile’s Crime. Après des scènes tournées dans la sombre West Moon Street, et un passage au Carnaval de Venise, l’offre est alléchante.
Mais surprise, on ne me demande plus simplement d’être derrière la caméra! L’enjeu est de taille en effet: Charles me propose un rôle dans le film. Et pas n’importe lequel: celui d’une affreuse prostituée qui tente vainement de séduire le meilleur ami d’Arthur, j’ai nommé Lord Molyneux, ou Arturo dans la vie. Une séduction vaine, et un tel rejet semble cruel… Détrompons-nous bien vite, la demoiselle n’est que vénale! Devant une telle proposition, il m’était difficile de refuser.
Je me rends donc en ce samedi printanier sur le lieu du tournage, tiraillée entre excitation et appréhension. Après une rapide tasse de café et de premiers échanges avec Marie-Suzanne, interprète d’une chinoise vendeuse d’opium, et Charles, la session maquillage est annoncée. De minute en minute, mon visage se transformait. Et pas à mon avantage! Le teint jaune, les sourcils épais et charbonneux, les joues et les paupières écarlates, le visage parsemé de mouches noires, je poussais quelques cris amusés en me regardant dans le miroir pendant que Charles tentait de m’enlaidir un peu plus, avec, de temps à autres, un petit sourire satisfait qui en disait long sur le charme en devenir de ma figure. Une fois habillée, j’étais fin prête pour aller répéter et tourner.
Au dernier étage des studios de la Compagnie se trouvait une petite chambre aux murs délavés et recouverts de miroirs cassés. Du latex, des tubes de peinture, un grand fauteuil en cuir déchiré et, au beau milieu de cet atelier, un rat. Une ratte pour être exacte. La cachette d’un sombre psychopathe pensez vous? Point du tout: le lieu du tournage. Et cette ratte n’était pas là par hasard. Elle faisait aussi partie de l’équipe! La petite Madame Pustule était bien inoffensive, presque mignonne je le concède. Mais capricieuse! Une vraie diva qui ne pouvait pas rester en place. Les prises s’enchainaient et l’air enfumé de la pièce me donnait le tournis que n'aidait pas les accords lancinants des Velvet Underground mis en boucle pour nous plonger dans la scène. À la fin, j’entendais tout juste les mots de Charles : « Allez Pustule, reste là », « entrée Marie-Suzanne », « entrée Annabelle », « Non Pustule, reviens par ici! ». Et j’entrais donc, entrainant la plupart du temps dans ma chute une partie du décor. Physiquement, je commençais presque à faiblir. L’atmosphère, les chutes, l’état dans lequel cette prostituée était censée être, tout cela me rendait nauséeuse. Mais dans le bon sens, car intérieurement, je prenais vraiment plaisir à jouer.
Pour moi qui n’avais jusque-là qu’une expérience de théâtre, c’était plutôt exaltant de tourner. J’avais souvent pensé que la scène était plus palpitante, parce l’on y monte en étant quelqu’un d’autre et en même temps quelqu’un qu’on connaît presque mieux que soi même. Et parce qu’on monte sur cette scène tout en sachant qu’on ne s’arrêtera pas, que le public est là, que le faux-pas n’est pas permis. L’adrénaline me semblait plus forte au théâtre que derrière une caméra. Mais le tournage m’a quelque peu fait changer d’avis.
Si l’on s’arrête pour une nouvelle prise, on se sent à chaque fois un peu plus proche de ce que le metteur en scène du film attend de nous, et dans l’enchainement, on se prend au jeu. En quelque sorte, on s’oublie. Après plusieurs dizaines de chutes, l’heure de la dernière prise a pu sonner, et je ne peux pas nier qu’il me fut très agréable de sortir m’aérer! Après un démaquillage intense, je retrouvais mon visage ordinaire, avec grande joie! Je garderai un très bon souvenir de cette expérience artistique. Et je n’ai qu’une hâte, désormais: contempler d’un bout à l’autre Lord Arthur Savile’s Crime
!
Anna von Hölsperin.

Wednesday, March 9, 2011

Five o'clock tea sur le plateau de Savile.


Il a sonné à la porte d'entrée, sa grande valise noire sur sa gauche, la mèche en bataille sur sa droite… ou l'inverse... Je ne sais plus.

Une Mary Poppins plus vraie que nature (mais sans parapluie et en pantalons!) faisait irruption chez moi avec sa valise magique. C’est fou ce qu’elle pouvait contenir, cette malle mystérieuse! Une caméra et son trépied, des projecteurs, des prises, des rallonges, des costumes, une théière, d’innombrables produits de maquillage, des mètres de tissu... quoi encore?
Abracadabra! Les accessoires apparaissaient l’un après l’autre et se posaient un peu partout, comme mus par une vie propre: sur une chaise, un fauteuil, une table. Ils annexaient l’appartement, l’apprivoisaient, le transformaient en décor de cinéma. Mais comment fait-on pour mettre autant de choses dans une valise? Il faudra que je me renseigne: ça peut toujours servir quand on part en vacances. . La mienne déborde toujours de partout!
On a poussé les meubles aux quatre coins de la pièce. Fixé la tenture sur les murs, au plafond. Où étais-je? Une alcôve était née au beau milieu du salon. Un petit boudoir fin-de-siècle. Je changeais d’époque et de planète. La magie continuait.
Giulia est arrivée un peu plus tard, suivie de près par Thomas.
Les choses sérieuses pouvaient commencer. Répétitions, directives. Charles s’était depuis longtemps transformé en metteur en scène, indiquant où chacun devait se placer, comment nous devions jouer la scène. Ah, très important: les regards! Et aussi l’expression des visages, le langage des mains. Chaque geste devait être précis. Nous écoutions, attentifs comme de jeunes élèves, fascinés par les explications de notre metteur en scène. Alors, nous arrivâmes à la scène cruciale du baiser… Attention, pas n’importe quel baiser! Ni osé, ni fougueux, comme en donnent les lèvres impudentes des amoureux d’aujourd’hui, qui laissent voyager leurs mains le long du cou, effleurant les épaules, et le corps voluptueux. Non! Que diable, nous sommes au siècle victorien où les fiancées sont virginales, où les amants s’autorisent à peine un baiser rapide et chaste, sous peine de censure immédiate! De la retenue, s’il vous plaît! Ou bien COUPEZ!
Mais attendez! Flashback! Car je n’ai pas encore parlé du maquillage et des costumes ... Du côté des costumes, tout va bien. Enfin, presque, car la robe de Giulia a besoin de quelques retouches à la taille et sous les bras. Pas de panique: super-Agathe est là, avec ses épingles de couturière et son habilité coutumière: quelques ajustements et le tour est joué. Oui, je sais, j’ai été magnifique, j’ai sauvé la production du naufrage, Giulia du désespoir, et Charles de la dépression nerveuse. Mais, ce n’est pas grand chose au fond, n’en parlons plus, ou ma modestie va souffrir…
Allez, passons au maquillage. Et là, on ne chipote pas : fond de teint blanc pour tout le monde, et n’ayons pas peur d’en rajouter! Charles passait l’inspection: Heu pas encore assez, Agathe. Je commençais à ressembler à un Pierrot lunaire. Et je n’avais pas vu Giulia, réfugiée dans la salle de bain! Son joli teint de pêche tournait couleur farine. Remarquez, cela se mariait bien avec l’ombre charbon dont Charles nous maquillait les paupières. Très noirs, les yeux. Et la bouche rouge. Très rouge. Mode vampire, tendance automne-hiver dans les Carpates.
Les coiffures, au contraire étaient sages: chignon de jeune fille pour Giulia, bandeaux à la Georges Sand pour moi (une trouvaille de Charles!)
Et puis… Moteur! On tourne!
Une musique envahit la pièce. Ai-je le trac? Je suis en tout cas concentrée sur mon rôle de femme de chambre. C'est un rôle très important que celui de femme de chambre! Si, Si je vous assure. Demandez à la Célestine de Proust, par exemple. Ou demandez à Charles, vous verrez...
Je sens que vous mourez d’envie de tout savoir sur ma partie. Allez, je vais vous faire une faveur en dévoilant le scoop, en avant-première: j’avance vers l’alcôve où se trouvent Lord Arthur et la jolie Sybil, et dépose modestement le plateau à thé devant eux. Instant délicat entrez tous, car Lord Arthur, dont je dérange le tendre aparté, me fusille du regard, tandis que sa fiancée me dévisage. Preste, je m’éclipse alors sans demander mon reste. Ça n’a peut-être l’air de rien, comme ça, mais ça demande beaucoup de métier et de délicatesse, croyez-moi. Et comme je suis douée pour improviser, j’ai corsé un peu la scène en ajoutant un petit gag de mon cru quand mes pieds se sont pris dans ma longue jupe et que j’ai failli me renverser contre la baie vitrée. La meilleure prise, a dit Thomas! Et, my God, je ne me permettrai jamais de discuter l’avis d’un aristocrate anglais!
Dans cette aventure, je regrette seulement qu’il n’y ait pas eu un autre cameraman pour filmer Charles en action. Que quelqu’un fixe sur la pellicule ses mots, ses gestes, l’étonnante rapidité avec laquelle il se glisse dans la peau de chacun des personnages pour nous indiquer les jeux de scène ; comment en quelques secondes, il prend une petite voix féminine et devient Giulia/Sybil, effarouchée: Oh ! mais que se passe-t-il, mais, oh ... Puis une grosse voix qui tonne au fond de la pièce parce que Thomas embrasse sa fiancée trop violemment: Arrgh, non, il ne faut pas, NON, NON!, ses indications, judicieuses, précises: Tend ta main vers elle qui sanglote — Ta main tremble, serre le poing... Tout un spectacle à lui tout seul!
Plusieurs prises, plusieurs baisers, quelques retouches entre les prises.
Moi avec mon plateau, en femme de chambre, Charles, sa caméra, cette voix si étrange parfois que je ne la reconnaissais pas, Lord Arthur et Sybil dans l'alcôve, la musique, qui continuait encore et encore de se répandre sur les murs.... Il y avait quelque chose d’irréel et d’enchanté dans le tournage de ce film dans mon appartement. Et quel film! Celui de Charles, mon précieux et fidèle ami. Que tous les Dieux du cinéma, s’il en existe, l’accompagnent.
Agathe Le Bail.

Tuesday, March 1, 2011

Une danse macabre sur le plateau de Savile.


Un Carnaval singulier est venu animer ou devrions-nous plutôt dire hanter, la cage d'escaliers des studios oghmiônes ce dimanche 27 février 2011.


Entre hanter ou animer, mon cœur balance encore: les robes massives et veloutées, de soie, de lin ou de dentelle, révélaient à la lumière des projecteurs et des flambeaux des anfractuosités parfois monstrueuses; le badinage joyeux des couples volant leur baiser dans les escaliers, devenaient subtilement une danse macabre de masques inexpressifs, inertes et fantômatiques.
C'était un Carnaval bien étrange.
Je n'ai vu la Peste et le Cardinal que de dos, j'ai senti l'immense cape noire de la maîtresse de maison qui me suivait, j'ai regardé les autres filles qui tentaient de descendre les escaliers dignement malgré leurs robes dix-septième, et leurs amants persistants.
Ce jour là, j'ai eu la chance d'être assistante et figurante : les maquiller, et me maquiller, les habiller tout en m'habillant, les éclairer tout en l'étant moi-même, d'être et derrière et devant la caméra, en somme assister Charles de façon double.
La cage d'escaliers a résonné cinq heures de deux voix : la voix symphonique de Gustav Mahler, lancée à pleine puissance, pour donner la cadence au défilé, et la voix orchestrale de Charles, dirigeant, interpellant, grognant, comptant et battant la mesure, s'extasiant, au passage de la Peste, de celui de Lord Athur Savile, des couples, des amants...
On regrettera presque que le film soit muet, car, quel plaisir aurait-on eu à entendre ces rugissements mêlés d'indications, et d'encouragements que Charles déclamait au rythme de la musique, derrière sa caméra!

Zelda Bourquin, première assistante à la réalisation.

Un dimanche sur le plateau de Savile.


Il se préparait une expédition interlope ce dimanche 27 février dans un immeuble de l'ouest parisien.


Le Carnaval de Venise se déroulait exactement en même temps en deux endroits cette année… En la Sérénissime et dans les studios oghmiônes. Etrange.
Nous étions tous attendus en début d'après midi, juste après la messe. Nous — une bande formée au gré des choix obscurs de notre metteur en scène. Nous ne nous connaissions pas, les sujets arrivaient les uns après les autres.

Une table de gâteaux gisait là. Offerte.
On nous demande de nous mettre au travail, de nous maquiller les uns les autres. C'était la stratégie du maître pour nous connaître l'un l'autre, trouvant trivial de nous présenter lui-même… On installe le maquillage au mieux sur une table encombrée, fait couler un café.
Zelda tente de rassurer Adriel terrifié de devoir être maquillé. Annabelle filme et photographie l'activité frénétique de chacun. Nous étions tous guidés par ce désir, comme éthéré, de donner quelque chose de nous au maître, quelque chose de bon. Le satisfaire devenait presque un défi…

Nos costumes étaient savamment rangés sur un stoyak, étiquetés à nos noms, tracés noir sur vélin, d'une écriture calligraphiée surtout pour nous impressionner.

Et voici que Katia paraît soudain enveloppée dans le costume que portait Salomé il y a cinq ans, dans la mise en scène de Charles Di Meglio. Brusquement, je suis renvoyée à ce même rayonnement de beauté, ce même teint diaphane, ce même corps grâcile et harmonieux, ce même blond vénitien de la chevelure. Mais notre Katia n'évoquait jamais l'impudicité de la princesse de Judée, transie d'amour béat et baroque qu'elle était pour son Hippolyte, Quentin, qui portait la grâce que seuls connaissent les marbres grecs. Adriel, page terrible et digne de Cocteau, paré de sa seule beauté insolente et d'un flambeau. Timothée, ange cruel loin d'être distrait, devenu pour les besoins du tournage, l'incarnation douce et majestueuse d'un athénien lunaire. Gentiment séducteur, presque farouche.
Valentin était la Peste! La terrible Peste. Silhouette effrayante, avec son masque au bec sinistre. Sinistre au point que nous n'osions plus l'appeler autrement que par son rôle. Mais enlevez-lui son habit et vous découvrez un être attendrissant et réservé.
Nathalie, marquise envoûtante, affolante et pétulante n'a fait que jouer sur scène ce qu'elle est dans la vie. Celui qui tente de l'attraper a raison de le faire mais notre Pierre y parviendra-t-il? Heureusement que Mathieu, le cardinal à la robe de pourpre, est là pour les absoudre. Béni soit-il...
Quant à Thomas, le beau Lord Arthur Savile, il semble tout à fait connaître la musique. Même s'il doit se trouver mal, mimant la lassitude, l'escalier halloweenesque lui appartenait tout entier, et, sortis du cadre, nous le regardions tous, béats. Mais son opaline Chrystal, à qui il abandonne le bras, souffrira-t-elle de son départ inopiné?
Non, car heureusement, il y a Eléonore la discrète, dans sa robe couleur de feu. Désinvolte dans son rôle, elle ferme notre scène avec toute la joliesse qui est la sienne.
Je me souviens aussi d'Etienne, au noble porté de tête. Tout de nuit vêtu, son vêtement qu'ajoure sa chair couleur de lune lui donne un aspect éthéré. Il porte une dague ceinte à sa taille. Mais qui pourrait lui vouloir du mal?
La suave Zelda, dans sa robe de soie violine doublée de parme, jouait la femme légère. Attention, ne vous y trompez pas! Première assistante avant tout, elle bridait avec une fermeté de Spartiate toute notre petite troupe. Une Spartiate qui connaît bien le metteur en scène, qui sait parfaitement comment il fonctionne, qui prévoit ses réactions, les devance, nous protège aussi, de la terrible Colère dont on entend parler, et qui peut éclater n'importe quand, peut-être.

Que dire de moi? Bien plus actrice dans la vie que sur scène, je suis une sorte de Belphégor drapé de noir. Je multiplie les faux-pas, je m'embourbe dans les plis moirés de mon habit. Hélas, à force, je perds ma patience et ma bonne humeur.

Et puis il y a Charles, le maître, le père de toute cette folle aventure. C'est lui qui mène la danse. Charles qui est mon ami, est méconnaissable lorsqu'il travaille. Rigoureux et exigeant. Il est celui d'où la magie fait irruption. Les idées affluent chez lui avec le brio de celui qui est touché par la grâce.
Ce fut un dimanche pas comme les autres vous dis-je. Je ne sais plus si tout cela a vraiment existé ou bien si tout est né des arcanes de mon esprit délirant. Que Dieu ne tarde pas à me venir en aide dans un cas comme dans l'autre…
Victoria Cohen.