la Compagnie

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Wednesday, February 11, 2015

De Leander vox populi.


Léandre et Héro, ode burlesque de Paul Scarron, se joue depuis mardi au théâtre de l'Ile Saint-Louis, 39, quai d'Anjou à Paris. Un premier spectateur enchanté nous évoque la représentation qu'il en vue.


Un spectacle beau, agréable et simple. Une charmante histoire jouée et racontée devant les spectateurs dans l'intimité d'une petite salle à la seule lumière des bougies.
La déclamation baroque nous amène dans un style de jeu très particulier avec son propre mode de Parole et sa propre façon de bouger. Inhabituel, un peu déroutant aux premiers instants pour qui ne connait pas, mais certainement pas désagréable car les deux comédiens et la comédienne tirent entièrement parti de ce que permet cette déclamation en terme de gestes et de manières d'adresser une parole (des manières qui, souvent, ne pourraient exister dans une diction et une gestuelle contemporaine). 

On nous conte une histoire, celle des amours de Léandre et Héro: un narrateur nous la donne en mots et gestes, et dans le même temps et le même espace, les deux amants la vivent. La cohabitation du narrateur et des personnages ne nous gêne pas le moins du monde, car tous se rejoignent dans un même but: nous raconter l'histoire, à nous, spectateurs. Et c'est ce qu'il y a de plus agréable dans ce spectacle, au travers du jeu baroque et dans cette toute petite salle: le spectateur n'est jamais ignoré. C'est à nous qu'on parle. Presque tout nous est adressé, si bien qu'on se sent perpétuellement invité à suivre ces deux amants dans leurs péripéties. Le jeu est ici au plus sincère, au plus proche du premier degré et toutes les émotions traversent les comédiens avec une ampleur haute et puissante qui fait se mouvoir leurs corps. Et ça nous atteint. Et ça nous touche. Car dans ce type de jeu si particulier, on reconnait bien, grandi par les gestes et la paroles, l'amour, la naïveté de la jeunesse, le chaud tempérament de l'adolescence, l'émerveillement des premiers ébats, tous interprétés avec brio par les deux protagonistes, Ulysse Robin et Elsa Dupuy. Le narrateur a certes une certaine distance avec l'histoire, mais il n'est pas neutre pour autant et a souvent son mot à dire sur ce qu'il pense de l'histoire en question, n'hésitant d'ailleurs pas à prendre à parti le spectateur.
En tant que spectateur, on a le désir de profiter au maximum de ce spectacle, parce qu'il nous fait du bien. En ce qui me concerne, j'en suis sorti avec l'envie de jeter des confettis.
J'encourage ceux qui n'ont pas encore vu ce spectacle à prendre un peu de temps sur leur soirée (moins d'une heure, ce qui soit dit en passant est assez rafraichissant par rapport aux temps de spectacle habituels) pour marcher, voguer ou nager jusqu'à l'Ile Saint-Louis et partager l'aventure de Léandre et Héro.

Romaric Olarte