En ces premiers jours de mars, Charles m’invite à nouveau à passer une journée sur le tournage de Lord Arthur Savile’s Crime. Après des scènes tournées dans la sombre West Moon Street, et un passage au Carnaval de Venise, l’offre est alléchante.
Mais surprise, on ne me demande plus simplement d’être derrière la caméra! L’enjeu est de taille en effet: Charles me propose un rôle dans le film. Et pas n’importe lequel: celui d’une affreuse prostituée qui tente vainement de séduire le meilleur ami d’Arthur, j’ai nommé Lord Molyneux, ou Arturo dans la vie. Une séduction vaine, et un tel rejet semble cruel… Détrompons-nous bien vite, la demoiselle n’est que vénale! Devant une telle proposition, il m’était difficile de refuser.
Je me rends donc en ce samedi printanier sur le lieu du tournage, tiraillée entre excitation et appréhension. Après une rapide tasse de café et de premiers échanges avec Marie-Suzanne, interprète d’une chinoise vendeuse d’opium, et Charles, la session maquillage est annoncée. De minute en minute, mon visage se transformait. Et pas à mon avantage! Le teint jaune, les sourcils épais et charbonneux, les joues et les paupières écarlates, le visage parsemé de mouches noires, je poussais quelques cris amusés en me regardant dans le miroir pendant que Charles tentait de m’enlaidir un peu plus, avec, de temps à autres, un petit sourire satisfait qui en disait long sur le charme en devenir de ma figure. Une fois habillée, j’étais fin prête pour aller répéter et tourner.
Au dernier étage des studios de la Compagnie se trouvait une petite chambre aux murs délavés et recouverts de miroirs cassés. Du latex, des tubes de peinture, un grand fauteuil en cuir déchiré et, au beau milieu de cet atelier, un rat. Une ratte pour être exacte. La cachette d’un sombre psychopathe pensez vous? Point du tout: le lieu du tournage. Et cette ratte n’était pas là par hasard. Elle faisait aussi partie de l’équipe! La petite Madame Pustule était bien inoffensive, presque mignonne je le concède. Mais capricieuse! Une vraie diva qui ne pouvait pas rester en place. Les prises s’enchainaient et l’air enfumé de la pièce me donnait le tournis que n'aidait pas les accords lancinants des Velvet Underground mis en boucle pour nous plonger dans la scène. À la fin, j’entendais tout juste les mots de Charles : « Allez Pustule, reste là », « entrée Marie-Suzanne », « entrée Annabelle », « Non Pustule, reviens par ici! ». Et j’entrais donc, entrainant la plupart du temps dans ma chute une partie du décor. Physiquement, je commençais presque à faiblir. L’atmosphère, les chutes, l’état dans lequel cette prostituée était censée être, tout cela me rendait nauséeuse. Mais dans le bon sens, car intérieurement, je prenais vraiment plaisir à jouer.
Pour moi qui n’avais jusque-là qu’une expérience de théâtre, c’était plutôt exaltant de tourner. J’avais souvent pensé que la scène était plus palpitante, parce l’on y monte en étant quelqu’un d’autre et en même temps quelqu’un qu’on connaît presque mieux que soi même. Et parce qu’on monte sur cette scène tout en sachant qu’on ne s’arrêtera pas, que le public est là, que le faux-pas n’est pas permis. L’adrénaline me semblait plus forte au théâtre que derrière une caméra. Mais le tournage m’a quelque peu fait changer d’avis.
Si l’on s’arrête pour une nouvelle prise, on se sent à chaque fois un peu plus proche de ce que le metteur en scène du film attend de nous, et dans l’enchainement, on se prend au jeu. En quelque sorte, on s’oublie. Après plusieurs dizaines de chutes, l’heure de la dernière prise a pu sonner, et je ne peux pas nier qu’il me fut très agréable de sortir m’aérer! Après un démaquillage intense, je retrouvais mon visage ordinaire, avec grande joie! Je garderai un très bon souvenir de cette expérience artistique. Et je n’ai qu’une hâte, désormais: contempler d’un bout à l’autre Lord Arthur Savile’s Crime
Mais surprise, on ne me demande plus simplement d’être derrière la caméra! L’enjeu est de taille en effet: Charles me propose un rôle dans le film. Et pas n’importe lequel: celui d’une affreuse prostituée qui tente vainement de séduire le meilleur ami d’Arthur, j’ai nommé Lord Molyneux, ou Arturo dans la vie. Une séduction vaine, et un tel rejet semble cruel… Détrompons-nous bien vite, la demoiselle n’est que vénale! Devant une telle proposition, il m’était difficile de refuser.
Je me rends donc en ce samedi printanier sur le lieu du tournage, tiraillée entre excitation et appréhension. Après une rapide tasse de café et de premiers échanges avec Marie-Suzanne, interprète d’une chinoise vendeuse d’opium, et Charles, la session maquillage est annoncée. De minute en minute, mon visage se transformait. Et pas à mon avantage! Le teint jaune, les sourcils épais et charbonneux, les joues et les paupières écarlates, le visage parsemé de mouches noires, je poussais quelques cris amusés en me regardant dans le miroir pendant que Charles tentait de m’enlaidir un peu plus, avec, de temps à autres, un petit sourire satisfait qui en disait long sur le charme en devenir de ma figure. Une fois habillée, j’étais fin prête pour aller répéter et tourner.
Au dernier étage des studios de la Compagnie se trouvait une petite chambre aux murs délavés et recouverts de miroirs cassés. Du latex, des tubes de peinture, un grand fauteuil en cuir déchiré et, au beau milieu de cet atelier, un rat. Une ratte pour être exacte. La cachette d’un sombre psychopathe pensez vous? Point du tout: le lieu du tournage. Et cette ratte n’était pas là par hasard. Elle faisait aussi partie de l’équipe! La petite Madame Pustule était bien inoffensive, presque mignonne je le concède. Mais capricieuse! Une vraie diva qui ne pouvait pas rester en place. Les prises s’enchainaient et l’air enfumé de la pièce me donnait le tournis que n'aidait pas les accords lancinants des Velvet Underground mis en boucle pour nous plonger dans la scène. À la fin, j’entendais tout juste les mots de Charles : « Allez Pustule, reste là », « entrée Marie-Suzanne », « entrée Annabelle », « Non Pustule, reviens par ici! ». Et j’entrais donc, entrainant la plupart du temps dans ma chute une partie du décor. Physiquement, je commençais presque à faiblir. L’atmosphère, les chutes, l’état dans lequel cette prostituée était censée être, tout cela me rendait nauséeuse. Mais dans le bon sens, car intérieurement, je prenais vraiment plaisir à jouer.
Pour moi qui n’avais jusque-là qu’une expérience de théâtre, c’était plutôt exaltant de tourner. J’avais souvent pensé que la scène était plus palpitante, parce l’on y monte en étant quelqu’un d’autre et en même temps quelqu’un qu’on connaît presque mieux que soi même. Et parce qu’on monte sur cette scène tout en sachant qu’on ne s’arrêtera pas, que le public est là, que le faux-pas n’est pas permis. L’adrénaline me semblait plus forte au théâtre que derrière une caméra. Mais le tournage m’a quelque peu fait changer d’avis.
Si l’on s’arrête pour une nouvelle prise, on se sent à chaque fois un peu plus proche de ce que le metteur en scène du film attend de nous, et dans l’enchainement, on se prend au jeu. En quelque sorte, on s’oublie. Après plusieurs dizaines de chutes, l’heure de la dernière prise a pu sonner, et je ne peux pas nier qu’il me fut très agréable de sortir m’aérer! Après un démaquillage intense, je retrouvais mon visage ordinaire, avec grande joie! Je garderai un très bon souvenir de cette expérience artistique. Et je n’ai qu’une hâte, désormais: contempler d’un bout à l’autre Lord Arthur Savile’s Crime
Anna von Hölsperin.
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