(on reconnaît évidemment Willie, Zizine et la Femme du Pirate, ainsi qu'une Marie-Suzanne floue) |
Un premier filage d'un spectacle, c'est-à-dire le répéter du début à la fin, sans s'arrêter, quoi qu'il arrive, n'est jamais un moment très rassurant — car c'est la première mise à l'épreuve d'un travail de plusieurs mois.
Mais c'est aussi un des moments les plus intéressants du processus de travail.
Car, malgré les difficultés qui apparaîssent, les heurts, le manque de fluidité dans les enchaînements, les remaniements nécessaires, c'est le premier moment où l'on se rend compte du tout que forment les différentes parties jusque là vues séparement, et comme entités indépendantes.
Ce soir, en sortant du premier filage de notre prochain concert, The Most excellent Inventions of Captaine Tobias Hume, malgré la fatigue qui, fatalement, s'installe, je suis très-heureux, et submergé, comme jamais, par la complexité, la profondeur, et la richesse de la musique de Hume, et par le sentiment de ne que l'effleurer pour l'instant.
Dans le travail, nous en parlions comme quelque chose de naturel, de logique, mais sans réellement les interroger, happés que nous étions par chacune des pièces, que nous percevions séparemment. Le Capitaine était, dans nos esprits amusés, un type complètement fou, qui a composé des pièces magnifiques, et des morceaux fantasques. Tout à coup, se répondant l'une l'autre (car le programme a été conçu pour créer un perpetuel jeu de réponses d'un morceau à l'autre), chaque pièce paraît enrichir la précédente et la suivante — et, ce qui marchait sur le papier, même si un peu chaotique comme dans tout premier filage, semblait encore plus fort que nous ne pouvions l'imaginer.
Si certains partis pris s'étiolent, semblent tout à coup absurdes, la plupart se confirment, se précisent, semblent plus concrets et importants encore.
De même que la préface du compositeur à ses deux recueils — qui, déclamée, ouvre le spectacle — travaillée dans son coin, me semblait un éclat de bravoure éloquente et virile, à la rhétorique facile, avec ses classiques défenses face à de potentiels détracteurs, semble brusquement contenir tout de la musique de Hume! Cela paraît évident, avec le recul, et quand on considère tout ce qui en a été dit depuis la redécouverte du musicien — mais, d'entendre à nouveau toutes les pièces qui forment le programme, à la lumière de ce qu'en dit leur auteur lui-même, avec toutes ses maladresses stylistiques, sa verve un peu mégalomane, les éclaire d'une façon qu'on ne pouvait imaginer avant que de faire notre premier filage. Tobias Hume devient tout à coup un révolutionnaire musical, profondément inventif, et laisse à deviner de lui bien plus qu'on ne pourrait le penser en travaillant le texte seul, comme un simple extrait de rhétorique baroque.
Il y a du boulot qui nous attend dans les deux semaines qu'il nous reste, bien sûr, et tant mieux. Mais du boulot avec une ligne directrice plus claire, car maintenant, là où nous allons paraît plus évident.
Charles.
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