A la lecture d’un des derniers
billets de notre blog, un infime détail a retenu mon attention: la
photographie, apposée au texte de Charles, laissait entrevoir une fenêtre sur… un
magnifique ciel bleu. Plongé dans une biographie des Cecil, les conseillers
dynastiques des derniers Tudor, la comparaison s’est imposée d’elle-même: pourquoi brouille-t-il les pistes, et surtout que nous cache-t-il?
C’est en effet une certitude pour
moi, ce lumineux petit bout de paysage bucolique ne correspond pas au visage de
la Compagnie, que pourtant je connais tant, souvent plus nimbée des
vascillantes lueurs de bougies. J’ai alors décidé de mener mon enquête, pour ne
pas connaître les déboires d’Essex, Raleigh, Dudley ou presque — oserais-je
l’écrire! — James premier même, roulés par le père, William, et Robert, le
fils.
Et c’est en effet une saison bien
différente qui s’annonce pour la Compagnie, quoi qu'elle soit finalement logique dans sa progression, dans sa démarche de pousser toujours plus loin les frontières explorées. Charles n’est aucunement en
vacances, comme il voudrait nous le faire croire, et c’est toujours à la pâle
lueur des bougies, dans sa sombre retraite qu’il travaille à la saison qui
s’annonce.
Continuant mes investigations, j’ai surtout découvert que,
plus qu’une saison, c’est une marche dans les pas d’une des plus grandes — si
ce n’est la plus grande — personnalités du seizième siècle qui nous sera
proposée. Car pour être à même de suivre ses pas et comprendre la si fine
démarche de la Reine Elizabeth première d’Angleterre, il faudra s’imprégner et
s’approprier d’autres sources pour en percevoir l’entière complexité et
intelligence.
Ce parcours dans les pas de la
souveraine débutera par des Lectures saintes.
La Reine en a évidemment eu — et s’en est nourrie; et, bientôt, la Compagnie
nous proposera d'en entendre à nouveau, tirées des pères de l'Eglise, ou de l'Evangile, dans un cadre intime et apaisant,
pour, comme l’envisage Charles, en transmettre la force universelle.
Il nous faudra cependant être sur
nos gardes. Car tout en nous plongeant dans les écrits de Saint Augustin et de
Saint Matthieu, d’octobre à mars, c’est dans un tout autre univers que la
Compagnie nous accueillera à partir de janvier, pour nous prendre la main dans
le sillage de la Reine Vierge — révélant alors l’oxymore parfait du siècle,
auquel ne fait pas exception la fille d’Henry VIII: le profane, et le
religieux, coexistant main dans la main, sans que l’un ne supplante l’autre.
Nourri de vaillants récits
vantants les mérites de guerriers puissants aux mille prouesses, ainsi que de
son imaginaire hanté par les héros vikings, voilà que notre directeur
artistique s’applique à nouveau à mettre en scène les belliqueuses et parfois
très fantasques pièces du Captaine Tobias Hume!
Celui qui publie deux recueils pour la viole de gambe à la toute fin du règne
de la Reine Elizabeth nous invitera à une ballade rétrospective dans le siècle
de la souveraine. Ses écrits, nous répète Charles, seraient le miroir de toute
une époque — précise et juste transition vers la création de la saison — une
nécessaire portion du chemin à parcourir vers la Reine.
Tout ce cheminement, si justement
orchestré par notre William Cecil, nous portera immanquablement au spectacle
liant toute cette progression. Là se terminera notre épopée à travers le
siècle, examiné sous nombre de ses facettes et nuances; notre Lord Burghley
mettra en scène certains des plus riches écrits de la souveraine. Par ce spectacle final
sera ravivée une lumière certaine, qui sans doute avait vascillé: Elizabeth ne
sera plus une image rêvée et idéalisée, mais paraîtra devant nous, dans certes
toute sa majesté tant vantée par ses contemporains, mais aussi dans une
intimité dans laquelle on ne l’a que peu vue, à travers certains de ses poëmes,
prières, plus personnels — des textes jamais entendus, et encore moins en
français — et pour être à même de l’entièrement observer, examiner (et s’en
émerveiller!) le lent et sinueux chemin dessiné par notre directeur artistique
ne sera guère de trop.
Certains considèrent que l’œuvre
et les personnes des Cecil n’étaient parfois mues que de sombres et peu
honorables motivations, que d’une avidité du pouvoir; je n’en peux que douter.
Il convient sans doute de relire l’histoire sous un autre jour. Voilà
précisément ce que nous concocte Charles, à l’ombre d’une mansarde quand le
soleil estival nous inonde: rendre à la lumière, par la Parole, et la leur, une
histoire et des personnalités parfois modifiés par nos esprits et par le cours
du temps.
Thibault Delaire, président de la Compagnie Oghma.
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