Si naturellement nombreux sont les peintres qui me fascinent, aucun, sinon peut-être Simon Vouet, ne me touche autant que Philippe de Champagne — à tel point qu'il peut m'arriver de passer au Louvre simplement pour saluer Catherine Arnauld, m'extasier devant ses deux Cènes, me dolir devant la Vierge de douleur, et être tétanisé devant le Christ mort couché sur son linceuil.
C'est, si je puis dire, un peu mon peintre de chevet, auquel je ne puis m'empêcher d'emprunter des images — je l'ai fait pour la scène finale (entre autres) de Phèdre & Hippolyte, pour l'affiche de ma lecture de la Passion du Christ qui aura lieu en mars — et dont je m'inspire sans cesse, comme pour celle des Confessions de Saint Augustin (qui sera bientôt dévoilée en intégralité sur notre Facebook) — car même s'il n'a jamais peint cet épisode de la conversion du saint, la pose de notre poster boy Adrien Morin lui est infiniment redevable — sans parler de ma gestuelle pour les imminentes Lectures Saintes: posé sur une table à côté de mon pupitre déclamatoire, une monographie du peintre, toujours ouverte, dans laquelle je me plonge dès que j'hésite sur un geste, où ne trouve pas tout de suite comment signifier une idée parfois trop abstraite. Et toujours, me parvient la réponse, presqu'immédiatement, dans une de ses toiles aux mains si grâciles, aux visages si beaux dans leur fragilité.
Et pour cause: notre cycle reprend les traductions port-royalistes d'Arnaud d'Andilly et de Lemaître de Sacy — il me semble donc évident que le peintre de Port-Royal soit le seul à pouvoir apporter des solutions à ces énigmes! — là où Poussin, ou même Vouet seraient trop extérieurs, presque spectaculaires, et pourraient m'aider pour gestualiser des textes théâtraux ou narratifs, comme ceux de L'Odyssée, Champagne apporte cette subtilité intérieure du geste, pas avec un mysticisme renfermé, mais avec une précision fervente, qui correspond à ce que j'imagine d'une oraison de Saint-Cyran, ou d'un Solitaire en prière.
Définir plus précisemment pourquoi Champagne me touche tant serait y réfléchir, et donc rendre cette sensation formidable (à tel point que, quand j'ai trouvé le geste que j'y cherchai, je continue parfois à parcourir ma monographie, sans cesse surpris, souvent ému aux larmes en retombant sur un tableau que je contemple au lieu de retourner au travail) par trop intellectuelle pour qu'elle ait encore cette puissance exceptionnelle. Je ne préfère donc pas, pour y puiser toujours plus de forces pour tâcher de véhiculer au mieux celles des textes de Saint Augustin que je travaille en ce moment.
Charles.
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