la Compagnie

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Sunday, August 5, 2012

Miremy.



Tous les ans, dès que les premiers soleils d'août ardent de leurs rayons de feu, avant de regagner ma retraite et nos laboratoires périgordins, je délaisse Paris et m'enfuis vers Miremy, chez Christine Narovitch, notre Berma avant d'être bientôt notre Elizabeth I et son mari Ivan (qui fut le remarquable majordome emperruqué dans Lord Arthur Savile's Crime).
Quelques jours à dorer joyeusement, dans le calme apaisant de la campagne bourguignonne, à peine troublé par le vrombissement des abeilles picorant les trèfles et des tourterelles s'épanchant de leur cri roucoulant, abstrait dans un travail reposant et d'une efficacité jamais démentie.
Il y a quelques années, j'y avais traduit certains sonnets de Shake-speare, sous l'œil bienveillant d'Ivan qui les revoyait entre deux traductions sinologiques, puis, c'était Arthur qui occupait mes journées et mes pages de notes, tandis que cette saison, nous vivons au rythme d'Elizabeth, qui occupe toute la maison: biographies, films, textes, références, dossiers, répandus dans les différentes pièces.
Avec Christine, nous révisons: — 1588?
— L'Armada!
— Essex?
— Décollation en 1601!
— Mary Stuart?
— Elle l'a bien cherché!
pour en arriver toujours à la même conclusion, inévitable, que c'était tout de même une sacrée bonne femme de grand génie, tant politique qu'humain.
Tandis qu'après le café Ivan a rejoint Xunzi, et que Christine revoit sa grammaire serbe, je potasse mon Saint Augustin pour la rentrée, et mes traductions des puissants discours et poëmes émouvants de celle que nous surnommons déjà affectueusement Liz ou Beth commencent à prendre forme, avant que nous ne nous retrouvions pour rire, émerveillés, de la verdoyante affection pour laquelle elle remercie le duc d'Anjou dans une de ses lettres.
Et puis les soirées viennent, heureux repos de nos riches activités, la table délaisse la Reine vierge pour se garnir de gin and tonic, puis des mets succulents de la parfaite maîtresse des lieux, des vins les plus corsés du Monténegro, avant qu'eux-mêmes ne cèdent la place aux liqueurs ravissantes (dont Christine est toujours l'heureux auteur), et aux conversations espérées depuis la veille au dormir qui les accompagnent, s'étirant jusqu'à bien après le lever de la pleine lune qui nimbe le jardin de sa pâleur limpide.
Mais déjà il est temps de rentrer, hélas, et le train s'ébranle tandis que nous agitons nos mouchoirs, et que j'emporte avec moi (en plus de trois de mes dictionnaires qui composent l'essentiel de mon bagage dans ces moments-là) un bon travail, fruit de la perfection du séjour, et surtout des souvenirs joyeux qui n'attendent que d'être complétés par ceux de l'année suivante, ému que je suis de cette douce amitié qui m'unit avec ces deux êtres aussi rares.
Charles.

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