la Compagnie

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Thursday, August 9, 2012

"Hé, ramène ta fraise!"

Plus facile à dire qu'à faire.
Ou plutôt plus rapide à dire qu'à faire, quand il s'agit de l'accessoire de mode.
Comme à la Compagnie, on aime bien le home (and hand) made, et en famille, nos costumes, nous les faisons nous-mêmes.
Donc, pour préparer notre grand spectacle sur Elizabeth, dont on ne pourra pas laisser les costumes au hasard, il était prévu, dans nos grands chantiers d'été, de s'essayer à la fabrication d'une fraise plus simple que celle qu'arborera Christine, notre Reine vierge, que je porterai dans les most excellent inventions of Captaine Tobias Hume (quand on vous dit que vous avez beau croire les avoir déjà vues lors de la création en 2011, leur reprise cette saison-ci n'aura rien à voir!).
A peine donc arrivé en Périgord, dans nos laboratoires, je m'y attèle. Et tandis que je surfile les ourlets, notre increvable Husqvarna (la Suède n'est jamais très loin de notre spectacle sur Hume) vrombit devant ma gran'mère — et vrombit longuement, car il y a une bande de six mètres de tissu à ourler, pour en faire les fameux plis.
Jusque là tout va bien, et c'est simple, comme prévu. Les choses se compliquent quand on doit se lancer dans la pliure de cette fameuse bande, centimètre par centimètre, pour la réduire par dix-sept. Ça avance, lentement, ma technique s'affine, s'améliore, s'accélère, se précise, et, après quelques longues heures (enfin, le surlendemain, plutôt), pendant lesquelles je tente de me représenter le travail que cela nécessitait à l'époque, quand tout le monde en portait, que je rigole en imaginant l'apprenti tailleur réalisant sa première fraise, arrive enfin le moment de coudre tout ces efforts au col.
Les choses se corsent encore d'un cran, ou deux. Déjà, il faut refaire le col: la bande est trop courte. Ce qui est rapidement expédié. Puis tâcher de maintenir tous les plis sur ce col.
On essaie, recommence, fait marche arrière, ma gran'mère surfile dans une nouvelle tentative, tandis que j'essaie d'analyser plus avant les sources, les gravures d'époque, mes manuels de patrons souvent trop évasifs sur cette étape cruciale… On peste, râle, réfléchit, refait en maudissant le type qui s'est réveillé un beau matin de 1555 en se disant: tiens, ce serait chouette si la mode des soixante prochaines années est à la fraise.
Puis, je regarde le tout. Ça ne va pas, les plis sont trop serrés, on est vingt ans trop tard, et de l'autre côté de la Manche, en Flandres. On se dit qu'on va tout défaire, repasser la bande, recommencer à zéro avec des plis plus larges. Et là, à mi-chemin dans la destruction de nos trois jours d'efforts, la révélation.
Les plis ont la largueur qu'il faut, tiennent droit, on a saisit, sans le faire exprès, ce qui nous fait défaut depuis des heures!
On épingle donc, surfile à nouveau, coud enfin les mètres de plis au col, et voilà — il n'y a plus qu'à défaire le surfilage (oui, on fait et défait beaucoup dans ces cas-là), avant l'amidonage, qui lui donnera toute sa tenue et sa classe.
Mais ça, ça attendra — le matériel pour ce faire devant encore être fabriqué (c'est idiot qu'on ne trouve plus chez son droguiste de quartier des fers à plisser, je suis sûr qu'il y en aurait le débit).
Charles.


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