la Compagnie

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Wednesday, November 3, 2010

Une journée sur le plateau de Savile.

Premier novembre 2010. Charles m’invite à passer une journée sur le tournage de son film Lord Arthur Savile’s Crime.
Pour moi qui n’avais aucune expérience de cet ordre-là, je dois dire que j’ai été enchantée par le décor sombre et effrayant sur lequel nous tournions ce jour-là, et cette atmosphère toute particulière que Charles a su créer.
Et heureusement que j’étais là! — car la première assistante était ce jour-là très indisposée et ne pouvait venir. J’ai donc bien sûr mis la main à la pâte pour finir de mettre en place le décor, ce qui a occupé une bonne partie de la matinée: même si l’essentiel était prêt, restait à remanier une myriade de petits détails, installer les quatre-cents bougies qui éclaireraient la scène…
Même si, en bonne Cosette, je n’ai pas pu résister à la tentation me plaindre de mes petits doigts meurtris par l’allumage des bougies, je me réjouissais de l’avancement de mes travaux et de ceux d’Alexis, un autre assistant de passage. Progressivement, d’un couloir de cave parisienne, nous nous transportions dans la sombre et glauque West Moon Street à Londres, tel que Charles se l’était imaginée, et où, sans aucun doute, il ne fait pas bon flâner!
Malgré moi, je me laissais peu à peu gagner par ce décor peu rassurant, que nous enfumions en permanence, avec un cocktail détonnant et très odorant d’encens tibétain et de charbon, ce qui rendait l’atmosphère de plus en plus pesante et irrespirable (tant pour nous sur le plateau, que bientôt à l’image). Et lorsque Charles éteignit les lumières électriques, j’ai été saisie de terreur, à l’aspect de la rue voûté, plongée dans une semie-pénombre.
Une fois la préparation du décor terminée, le planning prévoyait de tourner deux scènes situées au début du film, sans acteurs, découvrant la rue, en travelling avant. Me voilà donc, poussant Charles sur un chariot pour qu’il puisse filmer lentement et rendre encore plus angoissante cette sente peu avenante.
Le nombre de prises a été...conséquent!
Je plaide coupable pour une grosse partie d’entre elles. Mais je crois qu’en fin de compte, Charles a tout de même eu ce qu’il désirait. C’est l’essentiel.
D’heures en heures nous avancions dans la West Moon Street, filmée dans tous ses recoins. Thomas, l’interprète de Lord Arthur, d’une ponctualité terrible, nous trouva un peu en retard à son arrivée — nous ne nous apprétions qu’à tourner la deuxième séquence! Mais la scène est bouclée plus rapidement que la première, et Charles peut répéter avec son acteur. Ils avaient déjà vu la scène ensemble il y a quelque temps, et déjà au bout d’une heure Thomas atteint ce que cherche Charles, malgré des indications parfois un peu ésotériques : ‘Là, tu essaies de rentrer dans le mur. Et tu marches comme sur des œufs…
Une fois Thomas maquillé et paré de son costume pour la scène, le moment était donc venu de tourner la séquence la plus attendue de la journée. Qui a naturellement été la plus difficile à filmer.
La fatigue se faisait ressentir au fil des prises, éprouvantes pour Thomas qui s’efforçait d’oublier les bruits alentour et le passage derrière la caméra de passants intrigués ou alarmés par l’odeur de fumée, dans cette scène très exigeante physiquement pour lui, et lui demandant une énorme concentration.
Mais quand Charles a enfin crié ‘Elle est bonne, on la refait!', bien que soulagée, j’étais aussi un peu déçue que bientôt le tournage s’arrêtât là pour moi.
Nous avons rapidement rangé le décor, et j’ai laissé Charles, Thomas et Alexis mettre en boîte la dernière séquence de la journée, devant filer.
Sur le chemin du retour, le tournage n’a pas quitté mon esprit. Ni mes habits d’ailleurs! De la tête aux pieds, j’étais couverte de cire et j’avais l’impression d’être entourée du nuage de charbon et d’encens, malgré l’air froid et revigorant du soir.
J’ai beaucoup apprécié cette expérience, toute nouvelle et divertissante qu’elle était, et j’espère vivement assister de nouveau à ce tournage complètement dingue, si la Compagnie Oghma me fait l’honneur de m’inviter à nouveau!
Annabelle Divoy.

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