la Compagnie

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Saturday, November 27, 2010

De l'éclairage à la bougie, et de Vénus en fourrures.


Le tournage d'une des séquences clés de notre film, où notre héros, perdu, hypnotisé par ses pensées qu'il ressasse depuis plusieurs jours, prend une décision qui va faire basculer le film, a sans doute été, pour moi, une des plus belles journées sur le plateau de Lord Arthur Savile's Crime.
Je voulais une scène d'un intimisme presqu'indécent, qu'on n'ose qu'à peine regarder ce qui nous est montré, dans un plan que je rêvais digne de Dreyer, de La Passion de Jeanne d'Arc, lorsque Falconetti relève lentement la tête qu'on vient de couronner de sa pitoyable couronne de jonc tressé, du dernier plan Michael, lorsque le jeune homme apprend la disparition de son mentor, un plan qui m'a bouleversé la première fois que je l'ai vu, sans que je pusse encore savoir pourquoi.
Thomas et moi étions seuls sur le plateau, sur lequel plannait en boucle la très-lancinante Venus in Furs des Velvet Underground — une chanson qui m'est apparue comme une évidence, il y a quelques jours, et qui, en la récoutant, à clarifié toute la scène dans mon esprit. Seuls, Thomas sur un lit encadré de draperies damassés et pourpres, dans un peignoir bordé de peau de léopard, moi, plus loin, derrière la caméra — Arthur, Thomas, étaient donc isolés, confrontés à leur seule fragilité grâcile.
Tout autour de mon acteur, et nous séparant, plus de six-cents bougies, et trente mètres de papier d'aluminium, suspendu au plafond, sous les bougies, pour mieux réflechir la lumière.
Car je ne voulais aucune lampe électrique pour cette scène — pour plonger d'avantage Thomas dans son monde, plus encore que ne le permettait déjà la musique, et pour en rendre l'aspect bien plus irréel, ce qu'une ampoule, avec sa précision, n'aurait pas permis.
Les flammes oscillaient, baignaient le studio d'une chaleur apaisante, faisaient trembler les reflecteurs dans un doux bruissement, et Lou Reed entraînait calmement Severin dans sa terrible luxure.
Nous étions hors du monde, du temps, concentrés mais détendus, et la caméra tournait sans que je ne l'arrête entre les prises (dussè-je m'en mordre les doigts au montage), pour ne pas interrompre ce qui se passait.
Bien que vidés à la fin de la journée, nous étions heureux, détendus, doux et tranquilles.
Charles.

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