la Compagnie

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Saturday, December 21, 2013

Une deuxième répétition très-shakespearienne. A la bougie, of course.


Après une première répétition publique de notre prochain spectacle sur les sonnets de Shake-speare, Magister artium noster, Charles, en redonne une autre le quinze décembre. Voici ce qu'il en ressort, de quatre yeux attentifs et vigilants, dont deux qui ont déjà narré cette aventure formidable:

Nous y revoilà.
Cette fois bougies, costume et maquillage sont là pour nous donner l'ambiance.
Le travail accompli depuis le 24 novembre est remarquable.
Le programme, clairement inscrit sur une feuille qui nous a été distribuée, a trouvé son équilibre.
La diction des poêmes en français est claire, les jeux de regard, soulignés par le maquillage shake-spearien et baroque, convaincants, et le ralenti des mouvements en accord avec l'atmosphère générale.
Seuls pèchent encore l'occupation de l'espace, ou plutôt les déplacements encore par trop linéaires.
Mais le spectacle est déjà là et nous avons hâte de le voir au théâtre.
Christine, notre éternelle et bien-aimée Berma.

Loin du froid de décembre, c’est au cœur des locaux parisiens de la Compagnie Oghma, tapis dans la crépusculaire, mais néanmoins chaleureuse et intime lueur des bougies, que débute la seconde répétition publique du prochain spectacle de la Compagnie, sur les Sonnets de William Shake-speare, To.The.Onlie.Begetter.
Rompant le silence paisible qui règne dans la pièce, un premier air de luth fait déjà entendre au spectateur ce qu’il lui sera dit plus tard, sans que les mots ne soient nécessaires. De confidence en confidence, Shake-speare lui-même nous apparaît, parfois à genoux sur le sol, s’adressant directement à celui qu’il aime et qu’il souffre de trop aimer.
L’expression d’un amour malheureusement non rendu transporte alors chacun dans son jardin secret.
A différentes échelles, les mots prononcés ont, en effet, un écho par trop familier. Au fil des sonnets, on se laisse apprivoiser, tandis que le texte nous berce doucement jusqu’à notre passé, notre présent, notre intimité. La distance qui nous sépare de la scène devient alors de plus en plus infime.
Du français à l’anglais, l’amour n’a plus de langue, il se fait comprendre sans peine. Cependant, le calme a cessé : les paroles se font moins tendres, l’agitation et la colère sont palpables, la vérité sort enfin de son lit. Après une dernière et douloureuse déclaration, l’acteur quitte la scène.
Le spectateur demeure alors quelques instants encore dans la salle, auprès des bougies, en silence, se demandant qui est celui dont l'histoire vient d'être racontée : celle de Shakespeare? celle de l'acteur, c'est-à-dire de Charles lui-même? Ou bien tout simplement la sienne propre?
Annabelle, œil juridiquement bienveillant.

Monday, November 25, 2013

Shakespeare en première répétition publique.


L'après-midi du dimanche 24 novembre, Charles nous ouvre les studios parisiens de la Compagnie pour une première répétition publique du spectacle qu'il va donner en février, et qu'il travaille depuis plusieurs mois déjà.
Un tabouret, un pupitre et un luth voguant sur un tapis comme sur un radeau. C'est ainsi que m'est apparu le cadre dans lequel Charles s'est installé pour nous donner cette lecture des Sonnets de Shakespeare.
Un petit programme nous avait été distribué avec un titre en anglais que je ne comprenais pas To.The.Onlie.Begetter. et qui veut dire Au seul dédicataire, qui est le titre énigmatique du spectacle, faisant référence à la mystérieuse dédicace qui ouvre le recueil des poëmes. 
Bon, il prend Willie son luth et en avant la musique!
Puis le premier sonnet en anglais avec diction et gestuelle baroque, très beau. Suit un poëme en français, en diction actuelle et avec des gestes esquissés, très beau. 
Puis se sont succédés morceaux de luth, parfois un peu longs (car la musique de cette époque me semble peu variée), et sonnets en français parfois dits d'une voix peu audible mais bien articulés.
Il y a un fil qui nous conduit aimablement, pas toujours assez tendu pour le moment mais ce n'est que question d'ajustement.Vers la fin deux autres poèmes en anglais nous ravissent.
A deux mois du spectacle, ce que j'ai vu et entendu est parfaitement convaincant bien que demandant encore des ajustements quant à la vocalisation du français, la longueur des morceaux de luth et les intervalles entre les sonnets lorsqu'il n'y a pas de musique.
Il est aisé d'imaginer l'atmosphère poëtique qui se dégagera de ce spectacle avec bougies, costume de scène et la navigation entre anglais et français, entre musique et parole.
Christine, œil fidèle.

Saturday, October 12, 2013

I doe not studie Eloquence, although I doe love Sense.

Ce que dit de lui un de nos héros à la Compagnie, Tobias Hume, dans ses préfaces aux First Part of Ayres et Poeticall Musicke, pourrait bien s'appliquer à moi aussi: malgré ma passion des textes, des langues, et de la recherche, je n'ai guère fréquenté les bancs des facultés, leur préférant bien vite ceux de la pratique théâtrale, leur échappant quand j'y étais inscrit au profit de la scène du Conservatoire. 
Ce qui ne m'empêche pas de conduire des recherches sur les époques qui me font vibrer, sur les textes et partitions que je travaille, ni de réaliser mes propres traductions, le tout dans une démarche qui se veut aussi le plus scientifique possible. 
Ce qui m'a valu une invitation de l'Université Paul Valéry de Montpellier, et plus particulièrement de son centre de recherche élisabéthain au sein de l'IRCL (Institut de recherches sur la Renaissance, l'âge Classique et les Lumières) pour y donner une conférence sur notre grande création de la saison, Elizabeth R., autour d'Elizabeth Tudor — sur mes recherches au sujet de la Reine vierge, ainsi que mon travail de mise en scène de ses textes.
Avant même de m'y rendre, et de rencontrer les membres de l'équipe de la revue des Cahiers Elisabéthains dont l'existence m'accompagne depuis que je les ai découverts, jeune garçon encore lycéen, je frémissais de joie, d'heureuse expectative, et d'un peu de timidité — car, émérites universitaires et chercheurs, je craignais de ne pouvoir me signaler dans leurs rangs prestigieux, et n'être pas à la hauteur des deux autres conférenciers de la session, moi, petit théâtreux.


Evidemment, je fus plus que bien accueilli, d'abord par deux maquettes qui d'emblée m'ont fait me sentir chez moi dans les couloirs du Centre, une du Swan theatre et l'autre du Globe, puis par l'équipe d'une chaleur formidable, aux sourires éclatants, et enfin, par leur bibliothèque, dans laquelle, laissé seul quelques heures (avant un déjeuner faste), je tournicotais comme un enfant qui aurait mangé trop de sucre, happé par chacun des rayons, prenant un livre, puis un autre, ne pouvant m'arrêter plus de quelques instants à sa lecture, tant le suivant m'appelait aussitôt, subjugué, terrassé par la richesse du fonds.
Que dire de ma joie d'être admis sinon dans les rangs, du moins aux côtés de ces chercheurs, aux mêmes obsessions que moi, qui passent leurs journées dans Shake-speare, Middleton, Johnson, Marlowe, Lyly, qui, tant engloutis par leurs études, n'hésitent plus à entrecouper leurs phrases françaises par des expressions anglaises — comme cela m'arrive aussi après de trop longues veilles aux côtés de ces poëtes?
Que dire de mon édification en écoutant, émerveillé, les deux conférences qui me précèdent? 
Yet now to use a modest shortnes, je ne rajouterai que quelques indices quant à ma joie de leurs retours sur la mienne, saluant mon travail, approuvant ma démarche, et attendant avec hâte la création du spectacle fin mai.
Ainsi donc, malgré la fatigue d'une journée intense, précédée de bien peu de sommeil, je rentrais à Paris heureux, un peu enivré de la rencontre et des échanges avec cette équipe si accueillante, bienveillante, chaleureuse et savante!
Charles.

Wednesday, August 21, 2013

2013-2014


Et voilà: après avoir achevé de la mijoter dans nos retraites périgordines, notre nouvelle saison paraît dimanche!  Inscrivez-vous vite à notre lettre de diffusion pour la découvrir en exclusivité!
Sans rien gâcher de la surprise qui vous attend, nous vous pouvons ores dire qu'elle sera assez formidable et exaltante.

Friday, August 9, 2013

En mycket svenskt artikel.


Johanna Nilsson a rencontré Magister artium noster, et publié un article sur notre travail dans le magazine culturel suédois Avant. Nous en donnons la traduction française ici. Auriez-vous des réserves sur notre polyglottisme, l'original suit naturellement.

"Il n’y a qu’un grand art, et la vie est comme cet art à part entière."

Johanna Nilsson a rencontré Charles Di Meglio, directeur artistique de la Compagnie Oghma, qui nous engage dans une conversation sur l’appétence du théâtre baroque pour le texte, ses liens avec le théâtre antique et le caractère baroque de la nature nordique.

Charles m’ouvre la porte d’un appartement à Paris, où a lieu une répétition avant l’enregistrement d’un extrait de son prochain spectacle sur Elizabeth Ière d’Angleterre. Une caméra est en place, et Charles se prépare avec son luth pour une scène. Devant une tenture noire, qui cache presqu’entièrement un grand miroir doré, celle qui interprète Elizabeth I déclame alors une lettre d’amour à son amant, le jeune François-Hercule d’Anjou. Quand, après un premier filage, on me demande si je comprends le texte, je dois secouer la tête et dire que je ne comprends pas tout. Christine (Elizabeth) me rassure en me disant que c’est à peu près normal, puisque c’est du français des années 1500, et qu’Elizabeth I aimait à parfois inventer ses propres mots (!).

Quelques jours plus tard, cette fois-ci dans un café animé, je rencontre à nouveau Charles, qui me dit que les clips ont été envoyées à un théâtre, qui va programmer le spectacle. Il continue à expliquer que toute la pièce se compose de poëmes, de lettres et de discours, écrits par Elizabeth:

- Tout ce que nous utilisons sont des textes qu'elle a réellement écrit ou qui lui ont été adressés pendant son règne.

Rendre le baroque hip.

En 2006, Charles a créé la Compagnie Oghma, qui se spécialise dans le théâtre baroque. Aujourd’hui, peu de gens sont encore familiers avec ce que c’est, et Charles dit que son grand défi est de rendre le baroque hip. Pour tenter de définir ce qu’est le théâtre baroque, je vais aligner quelques mots-clés: les émotions, les gestes, le texte, la musique et les bougies, dont ils se servent en quantité pour chacune de leurs représentations. Charles explique que la clé est de faire en sorte que les gens sentent les choses en essayant de faire travailler tous les sens, l’éclairage à la bougie étant un moyen efficace d’engager et de captiver les spectateurs:

- Nous ne sommes pas habitués à voir les choses avec cette lumière particulière, qui change donc notre façon de percevoir les choses.

Etre touché sans nécessairement comprendre pourquoi.

Nous nous approchons de l'un des mots-clés: le texte. Charles confirme mon intuition selon laquelle l’essentiel est avant tout le texte:

- C'est précisement ce qu’est le théâtre baroque, et ce que je pense que le théâtre devrait être en général. De même que le cinema, ce sont avant tout des images en mouvement, pour moi le théâtre c’est du texte.

Les textes de la période baroque étaient écrits et représentés d’une manière proche de celle de l'antiquité. Les rythmes et mélodies des textes étaient conçus pour toucher. Par conséquent, il n’est pas essentiel de comprendre la langue ou les mots qui sont prononcés, mais le sentiment véhiculé est capable de surmonter les barrières linguistiques, ce qui tout à fait ce que j'ai vécu lors de la répétition d'Elizabeth I: je me sentais prise, mais sans nécessairement savoir pourquoi. Charles explique:

- Les auteurs pensaient, puis notaient le fruit de cette pensée, visant à toucher le public.

Les décors sans fioritures flirtent avec l’imagination du public. Pendant l'antiquité trois acteurs jouaient tous les rôles d’une tragédie, avec simplement la nature derrière le théâtre servant de toile de fond. A l'époque baroque on reprend cette idée de décor dépouillé. Si les acteurs disent qu'ils sont dans une forêt, alors le public se l’imaginait, car il n’y avait rien d’autre qui la rendait visible:

- Le texte seul donne au public ce dont il a besoin: où nous sommes, qui nous sommes, se qui se passe. Et tout cela vient des mots mêmes.

Le meilleur exemple que donne Charles est Roméo & Juliette de Shake-speare. A la création, Juliette était jouée par un petit garçon et Roméo par un gros bonhomme âgé. Mais le public croyait tout de même à leur amour, et pleurait, car il était vrai dans le texte.

Le fait de mettre ainsi le texte en avant revient au goût du jour, nous dit-il, mais reste différent de l'idée générale du théâtre qui aujourd'hui implique de la psychologie. Il pense que le théâtre psychologique réduit les possibilités d'être affecté par ce qui se passe sur scène:

- Le théâtre baroque c’est avant tout le texte et l'acteur ne ressent rien, c’est le personnage qui exprime ce qu’il ressent, c’est donc le public qui fait le travail, et il est ainsi beaucoup plus facilement touché. Car c’est beaucoup plus ouvert et beaucoup plus universel, puisqu'ils n’y a pas à comprendre intellectuellement: il s’agit simplement d’être touché par ce qu’on entend et de ressentir les choses.

Pas de distinction entre les arts

La musique est un autre élément important des spectacles. A l'époque baroque, on jouait de la musique entre les actes, quand on devait remplacer les bougies sur scène. Aujourd’hui, Charles utilise la musique de même. Il raconte qu’un jour, il y a quelques années, avant qu'il ne mette en scène Phèdre & Hippolyte de Jean Racine, il a tout à coup croisé un orchestre baroque qui jouait dans le métro, et ce qu'ils jouaient lui sembla être la plus belle chose qu'il ait jamais entendu. Il a ensuite utilisé la même musique dans son spectacle.

Charles poursuit en disant que c'est précisément la forme qui fascine tant dans l'époque baroque, car il n’y a pas de vraie distinction entre les arts. Il est aujourd'hui commun d’enfermer les artistes dans leur discipline propre, on est soit un musicien, soit un acteur:

- A cette époque, il n’y a qu’un grand art, et la vie est comme cet art à part entière.

Amener le baroque en Suède.

Enfin, nous parlons de l'avenir et je suis flatté d'être suédoise. Charles explique sérieusement qu'il a longtemps été fasciné par les pays nordiques. La Suède a été tellement influencée par l'Allemagne à la renaissance et l’époque baroque, que le théâtre baroque n’existe pas tellement en Suède, en dépit de ce que Charles dit finalement:

- Sans doute, la Suède permet aujourd’hui de nous rapprocher de ce que pouvait être le monde baroque, avec la nature et le silence qu’on y trouve et le rapport que vous y avez.



Charles Di Meglio öppnar dörren för mig in till en våning i Paris, där en inspelning till kommande pjäs om Elizabeth I av England pågår. Filmkameran är uppriggad och Charles gör sig redo med en luta för att inleda scenen. Framför ett svart skynke, som lite misslyckas med att täcka en stor guldkantad spegel, står kvinnan som spelar Elizabeth I, och honframför sedan ett kärleksbrev till sin älskare, den betydligt yngre Frans Hercule av Anjou. När de efter första tagningen frågar om jag förstår franskan, skakar jag lite på huvudet och säger att jag inte förstår allt. De säger att det inte är konstigt med tanke på att det är franska från 1500-talet, plus att Elizabeth I var förtjust i att uppfinna egna ord (!).
När jag några dagar senare, nu på en livlig uteservering, träffar Charles igen, berättar han att filmklippen ska skickas till en teater, för att locka dem till att sätta upp pjäsen. Han fortsätter att förklara att hela pjäsen består av dikter, brev och tal:
- Allt vi använder oss av är sådant som hon faktiskt skrev eller texter som skrevs till henne under den tiden.
Att göra barocken hipp
År 2006 skapade Charles Compagnie Oghma och deras speciella inriktning är barockteater. Än så länge är inte så många bekanta med vad det är, och Charles säger att den stora utmaningen nu ligger i att göra barocken hipp. Dagens publik kommer vara död inom tio år, så det är hög tid att börja förföra en yngre publik. I ett försök att rama in vad barockteater innebär, snappar jag upp nyckelord som känslor, gester, text, musik och stearinljus, något som de har i mängd av på alla föreställningar. Charles förklarar att det viktiga är att få människor att känna saker och att då försöka arbeta med alla sinnen, levande ljus blir därmed ett effektivt sätt för att fånga publiken:
- Vi är inte vana vid att se det och därför ändrar det hur vi uppfattar saker omkring oss.
Att bli berörd utan att förstå varför
Vi rör oss närmare mot ett av nyckelorden: texten. Charles bekräftar mitt påstående om att det är texten som är själva kärnan:
- Det är just vad barockteater är, och vad jag i allmänhet tycker teater är eller bör vara. På samma sätt som film är, mer än någonting annat, bilder i rörelser, är teater för mig texter.
Texter skrevs och framfördes under barocken på samma sätt som under antiken. Textens rytm och melodi var uttänkt till att beröra, den skulle vara så pass intellektuell att en helt skulle uppslukas av den. Därför behöver man inte förstå språket eller alla orden av det som sägs, utan känslan som förmedlas ska kunna överbrygga språkgränser, vilket var något jag upplevde under repetitionen av Elisabeth I. Att jag blev berörd, utan att jag egentligen riktigt förstod varför. Charles förklarar det med:
- Man tänker och skriver sedan ner det, med målet att publiken måste bli berörd, inte tänka på att den ska bli berörd.
Det avskalade framträdandet flirtar sedan med publikens fantasi. Under antiken framförde tre skådespelare alla pjäsens roller, med bara naturen bakom sig som kuliss. Under barocken och med Shakespeare återupptogs det avskalade sceneriet. Om skådespelarna säger att de befinner sig i en skog, så får publiken föreställa sig det, för det finns inget visuellt som tyder på det:
- Bara texten ger publiken det som publiken behöver: var är vi, vilka är vi, vad är det som händer. Och allt det kommer ifrån texterna.
Det bästa exemplet menar Charles är Romeo och Julia, som den framfördes under Shakespeares tid. Där spelades Julia av en liten pojke och Romeo av en äldre, fet herre. Men ändå trodde publiken på deras kärlek och grät, just för att det hände i texten och skådespelarna levererade texten på sådant sätt att det blev fullt trovärdigt.
Det barocka sättet att sätta texten i fokus, börjar bli på modet igen berättar han, men skiljer sig fortfarande från den allmänna tanken om teater idag som involverar psykologi. Han tycker att det psykologiska förminskar möjligheterna till att beröras av det som händer på scen:
- Barockteater är bara text och skådespelaren känner ingenting, karaktären säger bara vad han eller hon känner, så det är faktiskt publiken som gör jobbet och det är mycket enklare att bli berörd av det. Det är mycket mer öppet och mycket mer universellt, i och med att man inte försöker förstå det intellektuellt, man bara känner det.
Att inte skilja mellan konstarter
Musik är annan viktig komponent i föreställningarna. Under barocken spelades det musik när de levande ljusen behövde bytas ut, på liknande sätt använder Charles idag musik mellan akterna. Han berättar om en dag för några år sedan, inför att han skulle sätta upp Jean Racines pjäs Faidra från 1600-talet, att en barockorkester plötsligt spelade på metron och att stycket de spelade var det vackraste han någonsin hade hört. Den musiken använde han sedan i uppsättningen.
Charles fortsätter med att det är just formen som gör honom så fascinerad av barocken, att den inte skiljer mellan konstarter. Han menar att det idag är poppis att dela in konstutövare i olika fack, antingen är en musiker eller är en skådespelare:
- På den tiden var allting som en enda stor konst, och livet var som konst i sig.
Att ta barocken till Sverige
Avslutningsvis pratar vi om framtiden och jag blir smickrad över att vara svensk. Charles förklarar allvarligt att han länge har varit fascinerad av Norden och ser det som sitt kall att översätta de texter från barocken som finns på engelska och franska till svenska. Sverige var så influerat av Tyskland under barocken, och därför har barockteater inte gjorts mycket i Sverige, detta trots det som Charles till sist säger:
- Kanske är Sverige det närmsta man kan komma till vad barockt liv var i moderna samhällen idag, med naturen och tystnaden som ni har. 
Johanna Nilsson.

Tuesday, June 4, 2013

Du Marathon.

Tandis que, dans les derniers moments qui me séparent d'une présentation des Confessions de Saint Augustin — la prochaine pour le Mois Molière de Versailles, dans une chouille moins que deux semaines —, je m'isole, tel un ascète méditant, pour me centrer davantage tant sur moi que sur le texte et tout ce qu'il implique que sur le monde qui m'entoure, afin de retrouver cette réflexion sur lui-même à laquelle se livre Saint Augustin, que je m'impose un rythme de filages effréné, on me demande souvent si c'est bien nécessaire, si je ne suis pas trop dur avec moi-même, et l'on me conseille de sortir un peu de ma bulle, de m'aérer, pour me ménager.
Mais non! car se préparer pour monter sur scène et donner ces mots si précieux à entendre, c'est un peu se préparer pour un marathon, auquel on ne peut survivre qu'après un long entraînement de fond.
Bien entendu, parce que c'est une certaine épreuve physique, que de rester plus d'une heure et quart à déclamer un texte par cœur en le gestualisant, sans pratiquement changer de pied d'équilibre de tout ce temps, et qu'il faut tenir tout du long — et j'intensifie naturellement mes exercices corporels et vocaux habituels —, mais ce n'est pas le plus important, évidemment.
Evidemment, et c'est un autre détail, qui arrive au tout début, sans lequel je ne peux pas travailler, il s'agit d'avoir tous les mots bien en bouche, d'en être certain, de ne pas hésiter sur la moindre sonorité, et de même sur chacun des gestes, répétés devant un miroir.
Deux choses dont on ne peut être assuré qu'en les répétant inlassablement, techniquement, en filages aussi, of course.
Répéter inlassablement, faire des filages tous les jours, sans se laisser dépasser s'il y en a parfois qui sont moins bons que celui de la veille, ne serait-ce pour qu'enfin le texte, la gestuelle, me soient tellement entrés dans le corps, que la technique ne soit plus un obstacle, et qu'en la délaissant parce que faisant partie même, sans qu'on n'y pense plus, de la chose, on la dépasse, pour se laisser toucher et porter sans frein par le texte, qui me doit traverser et me transcender.
Car une technique incertaine retient et empêche d'accéder à ce que l'on cherche à atteindre, comme les iniquités passées retiennent Augustin dans sa conversion, ou comme la lettre retient l'esprit pour Saint Paul. 
Mais le plus essentiel c'est justement ce retour sur soi, ce regard intérieur, qu'une vie active ne permet pas forcément. De se confronter sciemment à soi-même, pour pouvoir mieux traduire ces mots, les rendre avec toute leur force infinie. D'entrer donc en moi-même, comme dit Augustin, pour mieux se laisser toucher, en sachant d'où cela peut venir aussi.
Il ne s'agit pas d'interpréter au sens moderne du terme la prose d'Augustin  bien sûr — c'est de la déclamation baroque! — mais de les sentir, en tâchant peut-être de percevoir d'où Augustin les sortaient.
Bien entendu, un certain nombre de filages ne suffisent pas non plus à remplir une journée, et s'il suffisait de vivre reclus pour pouvoir ensuite monter sur scène, ça se saurait!
Donc, le reste de mon temps tourne autour d'Augustin également.
La petite bibliothèque de Port-Royal de la Compagnie a la chance de posséder quelques-uns de ses autres livres (naturellement traduits au dix-septième par l'un ou l'autre des Arnauld), mais aussi la Bible traduite par Lemaître de Sacy (forcément, puisqu'on en a fait deux lectures dans le même cycle), où je m'immerge dans les Epitres de Saint Paul, si chers à Augustin, et je lis, je m'y plonge, replonge — pas jusqu'à l'écœurement, au contraire mais pour tâcher d'y trouver quelque chose, une lumière, qui me permettra de sentir mieux encore ces mots que j'aime à traduire.
Charles.
(oui, nous savons pouvoir être fiers, à la Compagnie, de notre merveilleuse illustration.)