la Compagnie

la Compagnie

Friday, November 4, 2016

The Elizabethan people's voice.

Une relâche exceptionnelle de son très-beau spectacle L'Innomé, donné tous les mercredis en même temps que notre Elizabeth R. au Théo Théâtre, a permis à Lennie Coindeaux d'assister à une représentation qu'il nous évoque.


Il m'a fallu un temps, somme toute très court, le temps d'une lumière plus scintillante, pour complètement rentrer dedans. En toute honnêteté, j'étais absolument ignorant de l'Histoire d'Angleterre et donc de cette reine. Il m'était difficile de situer historiquement les faits, les noms. Mais ce n'était pas un frein.
J'ai surtout compris cette femme, cette reine, ce coeur. Il y a eu des moments très forts qui m'ont vraiment marqués, comme lorsqu'elle dit Je sais que je n'ai le corps que d'une chétive et faible femme, mais j'ai le coeur et l'estomac d'un roi .
Tout ce passage quand Christine Narovitch (Elizabeth) parle à sa cour est sublime. Avec une force, une puissance. Et alors ce que j'adore c'est lorsqu'on voit les instants où le masque tombe, et l'on aperçoit chez elle une mimique, un rictus, un sourire, un roulement d'yeux... toujours fulgurants.
Mais c'était là: je l'ai vu, je l'ai saisi dans son instant de fragilité, de femme et non plus de reine. Christine m'a vraiment impressionné, tant elle se transforme sur scene. Cette robe bien sûr, cette coiffe, cette façon de se tenir, lui confèrent une force, un ancrage dans la terre, tel un chêne indéracinable. Le coeur d'un roi....
Indéniablement les bougies apportent ce qu'aucune lumière artificielle de projecteur ne pourrait apporter. Ne serait-ce que l'odeur quand on entre dans la salle: cette odeur nous prend avec elle, nous invite à nous asseoir et à voyager. 
Toi aussi Charles, tu es toujours très surprenant.
Toi aussi tu mutes... au sens littéral du mot, je te vois complètement changer, autrement, prendre une autre dimension. C'est drôle, il y a dans ton regard un mystère, une passion ardente, accompagnée d'une naïveté, d'une pureté qui surgit parfois au milieu de ce feu, qui pourrait être une obsession...
Et cet instrument arrive... et là j'ai voyagé dans bien des pays, je me suis retrouvé en Espagne, au Proche-Orient. La musique voyage elle aussi, elle se charge de ses rencontres ethniques.
Il est évident que j'ai encore plein de choses à dire, mais la parole reste vivante, plutôt que les touches d'une tablette. Place donc à la Parole.
Lennie Coindeaux.

Tuesday, October 18, 2016

Le Président nous révèle ce qui est caché.

La saison 2015–2016 qui s’est achevée au mois de juillet par l’Oghmac, notre fête du théâtre baroque en Périgord noir, a été la saison du rire et plus particulièrement celle de la satire: du monde de la justice avec Racine, des amours interdites et tragiques avec Scarron…

Comment présenter, alors, la saison 2016–2017? Le calendrier politique voudrait en faire une saison plus sérieuse. Nous en tiendrons compte. Dans les sujets traités, uniquement. Parce que, cette saison encore, la Compagnie Oghma entend bien essayer de vous faire rire, de vous divertir et, surtout, de vous faire voyager.

Pour cela, nous répartirons nos activités entre la Dordogne-Périgord, où la Compagnie est implantée, le Théo Théâtre à Paris, avec lequel nous collaborons depuis maintenant quatre ans et dont nous apprécions la programmation éclectique et exigeante et bien sûr, nos tournées à travers la France diffusant nos spectacles.

Tout d’abord, la Reine Vierge reviendra.

Elizabeth R., spectacle plébiscité et déjà prolongé, autour de cette figure légendaire d’une Angleterre rayonnante ouvrira notre saison. Nous espérons que vous serez heureux de découvrir (ou plutôt de redécouvrir) le courage politique et le charisme émanant des discours d'un chef d’Etat hors du commun devant ses troupes ou ses ministres, la pureté et la spiritualité habitant les prières du Gouverneur Suprême de l’Eglise d’Angleterre, ainsi que la richesse et la poësie de la correspondance amoureuse de la Reine Vierge, après la mort de laquelle s’éteignit la lignée des Tudors. Pour notre plus grand plaisir, Christine Narovitch incarnera ainsi à nouveau, avec justesse et élégance, cette reine mythifiée, tous les mercredis d'octobre à décembre.

La politique sera également, plus incidemment, au cœur de notre grande production de la saison: après s’être attaquée par deux fois à Racine, la Compagnie monte Amphitryon, de Molière. La création de ce qui constituera notre première pièce de cet auteur (il était temps!) se fera en Périgord, à Montignac-Lascaux, le 11 février 2017, avant une programmation à Paris à partir du 24 février.

Si le propos de ce mythe apparaît des plus légers, la dimension politique qui l’habite donne à sa réécriture une dimension férocement subversive et impertinente. Dieux joueurs, mortels ridiculisés et épouses abusées? Peut-être, mais aussi puissants arrogants, peuple violenté, femmes méprisées. L’ambivalence dont cette œuvre est animée, en plus de laisser Jupiter d’accomplir, métamorphosé, tous ses forfaits, pourrait bien également avoir permis à cette comédie d’éviter la censure qui avait déjà frappé Tartuffe trois ans auparavant. Une ambivalence toute baroque, pour une pièce d’une puissante modernité.  

Cette création sera l’occasion de faire croiser à nouveau sur scène plusieurs des comédiens déjà applaudis dans nos précédentes productions: Manuel Weber, Ulysse Robin et Romaric Olarte. Mais elle nous permettra en outre de vous présenter les visages de ceux qui les rejoindront: Pauline Briand, Valentin Besson et Joseph de Bony.

Avec cette comédie, Charles, Magister artium noster, vous proposera également une nouvelle vision du baroque. Loin de l’univers provincial des Plaideurs, vous serez invités à un divertissement de cour, présentant le faste et l’éclat du Versailles du Roi Soleil, dont la toute-puissance est si malignement égratignée par Molière.

Une création vive et colorée, pleine de broderies, soieries et dorures, qui constituera le cœur de notre programme.

Enfin, la saison se poursuivra à partir du 31 mai 2017 avec un spectacle autour des Fables de La Fontaine, présenté par Elsa Dupuy et Charles Di Meglio. Ce spectacle, créé à l’Oghmac 2016, permettra de découvrir une autre facette du baroque, à la scénographie d’une sobriété surprenante mais aussi tout en mouvements et en audaces (pensez-vous: un comédien, horresco referens, serait apparu de profil sur scène pendant le festival).

Une occasion, avant tout, de donner vie aux vers de La Fontaine, à ses apologues facétieux, pour certains méconnus et dont la sagesse résonne toujours avec la même intemporalité.

Et puis, naturellement, après quelques tournées, de nos Plaideurs et Fables, la Compagnie rentrera en Périgord pour la troisième édition de l’Oghmac, du 24 au 31 juillet 2017. Au programme cette année: la figure féminine au XVIIe siècle. Pour cela, nous vous préparons un menu de choix, avec des artistes invités, des créations et d’autres surprises qui vous seront dévoilées le moment venu.

L’intimité d’une souveraine d’exception, la richesse et la vitalité d’un mythe millénaire, l’intelligence de fables parfois méconnues…

Et si ce que la Compagnie Oghma se proposait de faire cette saison, c’était justement de révéler ce qui est caché?

Alexandre Comolet
président de la Compagnie Oghma

Wednesday, June 15, 2016

Partir.


Dans ce qui m'a donné envie de faire du théâtre, il y a en belle place le film magique d'Ariane Mnouchkine, Molière (1978).

J'avais 8 ans la toute première fois que je l'ai vu, je vivais en Extrême-Orient et mon expérience du théâtre se résumait aux spectacles de marionnettes traditionnelles dans la rue qui déjà me fascinaient, sans pourtant comprendre ce qu'elles disaient, ni même savoir ce dont il s'agissait précisément.
Au bout des deux premières heures du film et malgré l'heure tardive, j'insiste tant que mes parents consentent à lancer la deuxième époque.

A la fin des quatre heures, c'était décidé et je m'exclamai: je ferai du théâtre plus tard!

Trois moments m'avaient surtout marqué, frappé, donné envie.



Tout d'abord lorsqu'après le Carnaval sanglant, au milieu de masques brisés, certains fronts encore tachés de carmin, tous rendus calmes et sereins, le théâtre apaisant les douleurs, Molière, happé, hypnotisé, découvre la tragédie, et Madeleine Béjart qui déclame, sur une petite scène, éclairée à la bougie, une larme peinte sur son visage fardé. Les vers sont lents, chantants, étirés. Je n'avais jamais rien vu de plus beau et longtemps ensuite je m'amusais à parler de la même manière. Je croyais que ce n'était que comme ça qu'on faisait du théâtre — dix ans avant de rencontrer le théâtre baroque.

Deux autres séquences m'avaient autant saisi: à la fin de la première partie, l'Illustre Théâtre rejoint enfin la troupe de Dufrêne, qui joue au milieu de nulle part, en rase campagne, devant quelques locaux enjoués. Le vent se lève, les tréteaux s'envolent avec les comédiens qui tentent de jouer encore. Les tréteaux deviennent quasi-vivants et les rideaux sont autant d'ailes qui les portent tandis que les comédiens de Molière courent derrière, riants. Il n'y a pas de danger: puisqu'il y a du théâtre!



Et enfin, c'est le départ de la troupe, leurs trajets en France. Un départ heureux, plein d'espoirs partagés, de vent dans les cheveux, de pluies et de carrioles embourbées aussi, de joies, dans une énergie commune nourrie de la force que donne le théâtre.

Un petit paquet d'années plus tard, la même émotion m'étreint. Quand je revois le film, bien sûr, mais surtout quand, à son tour, notre Compagnie s'élance et part sur les routes, loin de nos bases.

Si la carriole n'est plus tirée maintenant par des chevaux, je nous reconnais pourtant quand nous nous retrouvons tous au lever du soleil pour charger le camion de tout ce qui fait le spectacle que nous emportons, nous envolant vers d'autres provinces, des publics inconnus, parfois — sinon souvent et en tous cas toujours délibérément — pour des endroits sans théâtre, pour qu'il y ait lieu. Et après plusieurs heures de route, épuisés, nous découvrons, bienheureux ce qui sera notre scène et notre énergie revient: parfois des tréteaux, ou un vrai théâtre, parfois une cour de château qui devient décor. A l'aventure en somme, car rien n'est jamais sûr.

Parfois encore, nous nous embourbons, nous avons froid l'hiver dans des lieux antiques plein d'humidité et où la chaleur ne peut pas rester. Parfois nos hôtes nous reçoivent aussi bien que le Prince de Conti devenu dévot. Mais nous sommes toujours unis et l'émotion m'étreint toujours quand je vois la ferveur que nous avons tous, toujours, car c'est toujours aussi souriants et pleins d'espoir que nous partageons ces moments, parce que nous sommes ensembles et avec nos spectateurs — car c'est ça le théâtre, et le théâtre vivant!


C'est d'ailleurs un peu pour ça que la Compagnie est établie en Dordogne-Périgord et de là que vient l'idée de l'Oghmac, notre festival qui va bientôt voir sa deuxième édition: faire du théâtre là où il n'a d'habitude pas lieu, pour les populations locales, un théâtre populaire qui va à la rencontre des gens, pour leur proposer, l'espace d'une heure ou deux, de quoi s'échapper, de quoi rêver, sous les étoiles, à la lueur des bougies. Raconter une histoire, partager la force de la langue, la beauté d'un texte.

Charles.