Rome ne s'est pas faite en un jour, évidemment.
Naturellement, un spectacle non plus.
Il n'est pas inhabituel donc, pour un comédien ou un metteur en scène, de jongler en permanence entre plusieurs projets, forçant à une sorte de schizophrénie bien agencée. Par exemple, lorsque nous tournions Les Anges distraits, je répétais en même temps Phèdre & Hippolyte, je traduisais Shake-speare tout en répétant Iphigénie en Tauride au Canada, je potassais les Confessions de Saint Augustin étant plongé dans les écrits d'Elizabeth première.
Une sorte d'oxymore (encore: je dois le faire exprès!), auquel je suis habitué, évidemment, obligeant à naviguer du profane au sacré, entre les langues, et les formes aussi — du cinéma au théâtre, en passant par la musique —, entre la prose et les vers et ainsi de suite.
Mais là où cela devient véritablement amusant, et un peu perplexant, c'est quand, comme maintenant, les projets à venir sont destinés à s'inscrire véritablement dans un calendrier lié à des évènements, comme la dernière partie du cycle des Lectures saintes: le récit de la Passion selon Saint Matthieu, que je donnerai en mars prochain.
Le travail que j'effectue sur chacune de ces lectures est naturellement conséquent (sans vouloir me flatter), et je commence à m'y préparer longtemps à l'avance, pour avoir le plus tôt possible les mots en bouche, et les raffiner, comprendre mieux leurs liaisons, la structure du texte, pour mieux les rendre ensuite — et celui sur la Passion le sera plus encore, car la présentation sera, telle que je me l'imagine et la conçois, entre oratorio, leçon de ténèbres et chemin de croix, mêlant un travail sur la lumière, sur le texte et avec de l'orgue pour parachever le tout.
Or quoi de plus contrastant avec les fêtes de Noël, qui viennent de passer, que le récit de la mort de Celui qui vient de naître?
Car, à peine la bombance du 25 décembre englouttie, les yeux alentours encore baignés de liesse émerveillée, je me plongeais dans mon office de la Semaine Sainte de 1654, lisant avec ferveur les leçons de ténèbres, lançait les différentes passions dont dispose ma discothèque (et surtout la Saint Matthieu de Bach, of coures, qui sera intégrée dans la présentation), relisait le récit de la Passion dans les quatre Evangiles, baignant en somme dans la fin d'une histoire que l'on venait à peine de commencer — dans les larmes, la douleur, le sang et l'obscurité, quand tout n'était que lumière et joie autour de moi!
Une sensation en somme étrange et paradoxale, mais bon, quand on travaille dans le baroque, on s'y fait!
Charles.