la Compagnie

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Sunday, January 13, 2013

L'ombre de Dowland.

Hier, tandis que je m'apprêtais à travailler sur mon luth Fortune de John Dowland, pour préparer ma répétition de cet après-midi — car un des poëmes de la reine Elizabeth semble avoir été écrit pour se pouvoir chanter sur la fameuse balade, et, dans notre spectacle, Christine, notre Gloriana, récitera donc le texte sur la musique, je me mettais en doigts et Willie (mon luth) en voix, en attaquant par un prélude du même Dowland. 
Or la pièce achevée, je me dis tout à coup: Tiens! Ce serait chouette d'essayer de combiner ce prélude avec la prière d'Elizabeth qui clôt le spectacle, sans conteste le plus beau des textes qu'elle ait écrit en français.
Puis, je m'attèle à autre chose, oublie, y repense vaguement en me disant, Boh, non, quand même, ça ferait deux tubes luthistiques dans le même spectacle, le procédé serait répété, ce ne serait pas trop intéressant.
Mais, alors que la répétition commence, qu'on évoque ce qui est au programme, et notament le premier essai du poëme dit sur Fortune avec la partie de luth, sans m'en rendre compte, j'évoque mon idée, et nous décidons de l'essayer, tout aussi peu convaincu que je le suis.
Je fixe donc une phrase musicale, la dernière, sur laquelle commencera à parler Christine, je joue, nous nous retrouvons, Christine dit son texte. Ce n'est en effet pas intéressant, mais commence à poindre quelque chose, qui augmente à la fois le texte, la voix de Christine, et la partition.
Alors je décide malgré tout d'essayer à nouveau, différemment: je laisse Christine libre de commencer où bon lui semble pendant le morceau, et nous convenons qu'en nous écoutant, nous nous permettrons d'avoir des moments où je laisserai Christine parler seule, puis de reprendre, et vice-versa.
Un peu ce que nous faisions dans notre spectacle sur les sonnets de Shake-speare, To.The.Onlie.Begetter., sauf que cette fois-ci, c'était moi qui était sur mon instrument, et qui devais suivre la voix parlée.
Et là, tout de suite, il se passe quelque chose. L'écoute est immédiate, et ce que j'espérais vaguement arrive. Nous finissons en même temps, et il plane dans la pièce ensuite quelque chose d'indéfinissable, de beau, qui est exactement ce dont j'aurais voulu, sans y pouvoir penser aussi clairement, pour la fin du spectacle. 
Quelque chose de profond, de suspendu.
On refait, tout heureux, et là, ça marche encore, alors que rien n'est fixé, et que nous ne voulons justement rien fixer. 
Voilà. L'idée est adoptée, et la répétition se poursuit, bercée par ce moment un peu sublime et surtout confondant, dans cette même belle écoute.
Charles.

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