Ce que dit de lui un de nos héros à la Compagnie, Tobias Hume, dans ses préfaces aux First Part of Ayres et Poeticall Musicke, pourrait bien s'appliquer à moi aussi: malgré ma passion des textes, des langues, et de la recherche, je n'ai guère fréquenté les bancs des facultés, leur préférant bien vite ceux de la pratique théâtrale, leur échappant quand j'y étais inscrit au profit de la scène du Conservatoire.
Ce qui ne m'empêche pas de conduire des recherches sur les époques qui me font vibrer, sur les textes et partitions que je travaille, ni de réaliser mes propres traductions, le tout dans une démarche qui se veut aussi le plus scientifique possible.
Ce qui m'a valu une invitation de l'Université Paul Valéry de Montpellier, et plus particulièrement de son centre de recherche élisabéthain au sein de l'IRCL (Institut de recherches sur la Renaissance, l'âge Classique et les Lumières) pour y donner une conférence sur notre grande création de la saison, Elizabeth R., autour d'Elizabeth Tudor — sur mes recherches au sujet de la Reine vierge, ainsi que mon travail de mise en scène de ses textes.
Avant même de m'y rendre, et de rencontrer les membres de l'équipe de la revue des Cahiers Elisabéthains dont l'existence m'accompagne depuis que je les ai découverts, jeune garçon encore lycéen, je frémissais de joie, d'heureuse expectative, et d'un peu de timidité — car, émérites universitaires et chercheurs, je craignais de ne pouvoir me signaler dans leurs rangs prestigieux, et n'être pas à la hauteur des deux autres conférenciers de la session, moi, petit théâtreux.
Evidemment, je fus plus que bien accueilli, d'abord par deux maquettes qui d'emblée m'ont fait me sentir chez moi dans les couloirs du Centre, une du Swan theatre et l'autre du Globe, puis par l'équipe d'une chaleur formidable, aux sourires éclatants, et enfin, par leur bibliothèque, dans laquelle, laissé seul quelques heures (avant un déjeuner faste), je tournicotais comme un enfant qui aurait mangé trop de sucre, happé par chacun des rayons, prenant un livre, puis un autre, ne pouvant m'arrêter plus de quelques instants à sa lecture, tant le suivant m'appelait aussitôt, subjugué, terrassé par la richesse du fonds.
Que dire de ma joie d'être admis sinon dans les rangs, du moins aux côtés de ces chercheurs, aux mêmes obsessions que moi, qui passent leurs journées dans Shake-speare, Middleton, Johnson, Marlowe, Lyly, qui, tant engloutis par leurs études, n'hésitent plus à entrecouper leurs phrases françaises par des expressions anglaises — comme cela m'arrive aussi après de trop longues veilles aux côtés de ces poëtes?
Que dire de mon édification en écoutant, émerveillé, les deux conférences qui me précèdent?
Yet now to use a modest shortnes, je ne rajouterai que quelques indices quant à ma joie de leurs retours sur la mienne, saluant mon travail, approuvant ma démarche, et attendant avec hâte la création du spectacle fin mai.
Ainsi donc, malgré la fatigue d'une journée intense, précédée de bien peu de sommeil, je rentrais à Paris heureux, un peu enivré de la rencontre et des échanges avec cette équipe si accueillante, bienveillante, chaleureuse et savante!
Charles.